jeudi 28 octobre 2010

Mais qu’avez vous fait à Solange?



Cosa avete fatto a Solange ?
1972
Massimo Dallamano
Avec: Fabio Testi.




La belle langue italienne parlée au beau milieu de Londres, voilà qui offre déjà un peu de piquant pour ce giallo édité par Neo Publishing. L’on commence fort gentiment avec une belle tripotée de jeunes filles en fleur pédalant doucement sous la belle musique d’Ennio Morricone. D’emblée on est saisi par la lourde ambiguïté de ce type de métrage, ces riantes jeunes demoiselles veulent respirer l’innocence qui alimentera la haine vengeresse du spectateur choqué par leur horrible supplice. Et en même temps, si le spectateur va voir ce film, c’est bien qu’il espère en voir de belles, des nichons et des fesses, des yeux révulsés de terreur et du sadisme bien pimenté. Qu’à cela ne tienne, coté cul et nichons, l’intégralité des plans est sur la jaquette du DVD Neo Publishing, donc rien ne sert de mettre la galette dans le lecteur pour cet inavouable penchant là, et en plus, je vous en remet une couche…:





Pour le sadisme, le sort réservé aux gaies mutines est également décrit sur la jaquette, de surprise point donc, et malgré quelques plans graphiques corsés, le sadisme de l’affaire paraît bien fade avec les années. Reste alors le suspense, le scénario alambiqué qui malgré une lenteur toute relative reste cohérent, maîtrisé et surtout assez inattendu au niveau de la révélation du pourquoi du comment de toutes ces saletés. L’interprétation est bonne, Fabio Testi en tête bien qu’il s’efface plus ou moins vers la fin au profit de Joachim Fuchsberger, l’inspecteur local. On est également surpris de voir certains personnages disparaître prématurément alors que le suspense reposait plus ou moins sur eux, tandis que d’autres formatés et catalogués depuis le début évoluent lentement et révèlent d’autres facettes de leur personnalité, comme la teutonne femme du héros joué par Karen Baal, qui une fois qu’elle a dénoué son rigide chignon sait faire preuve de grâce et de compréhension. Notons au passage qu’à part une grosse mégère tricoteuse, l’ensemble du casting féminin est sidérant de beauté, ce qui n’est pas le cas du libidineux, torve et crispé casting masculin constituant la ribambelle de pervers suspects qui gravite autour du collège de jeunes filles en jupettes (dont le spaghettiesque Antonio Casale). La Solange du titre apparaît fort tardivement, elle est joué par Camille Keaton, la petite fille de Buster Keaton, qui nous marquera plus huit ans plus tard dans l’horrible et vieilli I spit on your grave. Un film bien fait, qui permet de se replonger dans l’ambiance seventies où la libération sexuelle se confrontait à la rigidité ecclésiastique, sans que l’on sache bien qui gagne à la fin, car si les meurtres sont unanimement condamnés, force est de constater qu’elles l’avaient bien cherché les salopes, comme si le mal à l’état pur n’existait pas, comme pour rassurer le bon père de famille : rien de tel n’arrivera à vos filles si elles se tiennent à carreau ! Et puis, l’on sait désormais où Brian De Palma a été cherché ses idées de nymphettes sous la douche collective et de caméra subjective pour suivre l’assassin.

Pathfinder

Pathfinder
2007
Marcus Nispel
Avec: Karl Urban


L’Amérique du Nord précolombienne est un fatras de grosses racines enchevêtrées nimbées d’une brume permanente savamment CGIsée. Les arbres semblent avoir oublié que pousser tout droit est une option, les précipices de trois kilomètres de haut disposent judicieusement d’une étroite corniche pour que les Vikings puissent se promener. La pluie et la neige sont si nettes et si belles qu’on en viendrait à mépriser le soleil. C’est dans cet environnement véritablement étudié au pixel près que Karl Urban, taillé comme un panneau cédez le passage, charcle du méchant Viking pour le compte des gentils indiens. Il faut dire qu’il a été Viking dans sa jeunesse, et donc, qu’il sait manier l’épée, et donc qu’il est capable de débiter du Viking au kilomètre, aidé également par le fait que ceux-ci ont la sale manie de se battre au ralenti, ce qui permet d’ajuster ses coups. Le ralenti à outrance, fléau des années 2000 est ici bien de la partie, les chevaux galopent au ralenti, les têtes éclatent au ralenti et le héros baise l’indienne au ralenti, anéantissant totalement l’érotisme d’une scène obligée qui n’émoustillera plus grand monde (par contre, les nuages parfois, avancent en accéléré, allez comprendre...).



Les Northmen pourtant sont magnifiques, Marcus Nispel en a fait des monstres, des tas de muscles impressionnants, des montagnes puissantes recouvertes de peau de bêtes, de cotes de maille, de casques aux excroissances cornues anarchiques. Le responsable costumes a du s’éclater. On ne sait plus où est l’humain là dessous, parfois on surprend un regard ou une dentition déplorable. La bête Viking feule, grogne, parle rarement, et quand elle parle c’est pour se désigner comme “être humain” alors que justement elle n’a rien d’humain, ni pitié, ni amour, ni humour. Et cette opposition avec les indiens simples, presque pas armés, souriants, aimant, formant une communauté vivante résonne avec le peuple Cheyenne des westerns qui eux aussi se désigneront sous le terme “êtres humains” et est renforcée par le fait que les indiens parlent anglais alors que les Vikings parlent un sabir incompréhensible.
Le film sait être efficace et n’hésite pas à flirter avec le n’importe quoi sans jamais dépasser le seuil de tolérance nanardesque du plus ingrat des fans de film à testostérone. Après une poursuite en luge (le réalisateur fait faire du surf des neiges au héros sur un bouclier, totalement improbable, mais celui-ci reste couché sur son bouclier tout de même, pas debout, ce qui là aurait été véritablement ridicule…), les Vikings vont faire un peu de spéléo dans des grottes curieusement peu photogéniques, puis de l’alpinisme, encordés et tout et tout. L’espace, les dangers naturels (glace qui craque, avalanche qui gronde, grizzly massif qui fonce) sont bien exploités, le film évite de s’apesantir trop longuement sur une élimination one by one Rambo style avec des pièges aux piquants de bois couverts de mousse pour favoriser une sorte de huis clos à ciel ouvert, avec tension palpable et comment vont-ils s’en sortir et tout le toutim.



Bref, malgré tout, on en vient à se dire que tout cela est fort divertissant et qu’on prend bien son pied, et ce n’est pas l’immonde, mais ô combien fréquent préchi-précha à deux balles des indiens qui va nous arrêter. Trouve ta propre voie, chacun sa route, chacun son chemin, passe le message à ton voisin. L’homme est dévoré par deux forces qui s’opposent, l’amour et la haine bla bla, suis mes conseils et je suivrai ta voie, on s’y perdrait si on écoutait, mais heureusement on n’écoute plus, on préfère admirer les monstrueux Vikings éclater des têtes à la masse d’arme, juchés sur d’improbables montures qui tiennent plus du char d’assaut que du cheval. Et c’est dans les scènes coupées qu’il faut aller chercher des séquences qui échappent un peu au marasme consensuel hollywoodien actuel: l’indienne subrepticement, vérifie que la bite de son héros gravement blessé est encore à l’endroit où elle devrait être et l’indien muet pète, au détour d’un bivouac, pour détendre l’atmosphère. La musique ne dépasse pas le cadre du simple accompagnement, les cordes font lourdement “honnnn” tandis que des chœurs discrets tentent d’appuyer la monstruosité des crimes commis, mais ça ne décolle jamais, parfois on croit que ça va s’élever, nous filer des frissons comme le ferait Arvo Pärt, mais non, malheureusement, tout cela reste au ras des pâquerettes, comme ces corbeaux qui sont là à chaque fois que les Vikings apparaissent. Mais si vous êtes bon public comme moi, le film devrait grandement vous satisfaire, même si le cinéma est relégué au second plan derrière l’esthétique, d’autant que le film qui n’a pas marché a sûrement déjà le statut de film “maudit” ou “culte” ou ce que vous voudrez. Et pour les fans de western, on retrouve deux acteurs native, Jay Tavare (The missing, Cold Mountain, Into the West) et Russel Means (Tueurs nés, Into the West, Le dernier des Mohicans), ce qui me permet de classer ce film dans “En marge du western”, hop!

samedi 9 octobre 2010

Le Survivant des Monts Lointains



Night Passage
1957
James Neilson
Avec: James Stewart, Audie Murphy, Dan Duryea, Olive Carey


C'est Anthony Mann qui aurait du tourner ce film, hors, c'est à un gars de la télévision qu'échut la tâche, et ça se sent. James Stewart joue de l’accordéon pour vivre. Comme souvent, il joue le gars tout fragile de partout mais qui en fait est un grand tireur qui s’auto-refoule. Audie Murphy est son jeune frère, pile du mauvais coté de la force, avec son attirail clinquant et son attitude de loubard des années cinquante. Le scénario est un peu complexe, guère passionnant. Le déchirement familial peine a produire l’effet escompté, et l’une des deux stars meurt sans qu’on soit plus touché que cela. Dan Duryea reprend son personnage de Winchester ’73 en plus cabotin, et donc en moins crédible. Il y a une ou deux nanas qui gravitent aussi autour de ce beau monde, histoire de rajouter du piment à la mayonnaise.
Tout cela rend le film sympathique, mais non passionnant, au point que ce qui retient le plus l’attention au final, ce sont les petits détails qui ne s’accordent pas avec l’imagerie habituelle du western. Primo, le James Stewart qui joue de l’accordéon, ce qui donne lieu à une intéressante confrontation avec Audie Murphy lorsqu’il lui joue un air de leur enfance. Deuxio, les décors finaux, avec ces mines et leur téléphérique, qui tranchent bien sûr avec les lieux typiques du western, la ville, le désert, le canyon.
On est content aussi de voir un film graviter autour d’une ligne de chemin de fer en construction, avec le riche visionnaire dans son wagon, parce que ça nous rappelle Il était une fois dans l’Ouest, alors qu’en principe c’est Il était une fois dans l’Ouest qui aurait dû nous rappeler ce film et d’autres du même genre. C’est ça le problème d’être né trop tard et de se construire une connaissance cinéphilique à rebours, en piochant au hasard des diffusions et des sorties DVD sans avoir le fil conducteur de l’Histoire en tête.
Enfin, on note la prestation d’Olive Carey, la femme d’Harry Carey, qui elle aussi contribue à imprimer la marque de sa famille dans l’Histoire du Cinéma. Elle joue également dans La Prisonnière du désert, où elle pleura, paraît-il, après que John Wayne rendit hommage à son mari avant de s’éloigner à travers une porte.


Captures: USMC sur Western Movies

dimanche 3 octobre 2010

The Local Bad Man

1932
Otto Brower
Avec: Hoot Gibson


Hoot Gibson, toujours sans armes, d’une élégance rare, habillé en vrai cow boy avec ses chaps et ses jambes arquées, dégage une étrange assurance, une morgue et une répartie non dénuée de violence intériorisée, tel un garçon gentil qu’il ne faudrait pas chatouiller trop longtemps pour qu’il explose. Cette tension retenue est paradoxalement accentuée par son physique rondouillard et ses sourires désarmants. Super à l’aise sur son cheval (il fut champion de rodéo), il maîtrise tant la gent équestre qu’il ne juge pas nécessaire d’en faire des tonnes comme Tom Mix ou Yakima Canutt
pour nous impressionner. Mais c’est sûr, Hoot irradie. Et c’est tout l’intérêt de ce petit western de série B, Hoot Hoot et encore Hoot, qui éclipse ses deux sidekicks comiques, qui éclipse l’habituel scénario de complot, qui éclipse la girl de service, le tout étant uniquement destiné à nous faire passer le temps agréablement. Le temps est une denrée rare de nos jours, donc le film échoue à l’aune des critères de divertissement actuels, il nous donne l’impression de nous le faire perdre, notre temps, et dans le même temps, on se dit que tout ce petit monde là, disparu pour toujours, mérite bien qu’on stoppe pendant cinquante minutes le rythme de nos vies effrénées.