samedi 23 février 2008

Hondo, l'homme du désert




Hondo
John Farrow
1953
Avec : John Wayne, Geraldine Page

Hondo, c’est John Wayne, qui arrive à pied de sa démarche légendaire avec sa winchester et un chien à ses cotés, le colt légèrement en arrière sur sa hanche. Une image pareille, le film ne peut pas être complètement mauvais, il est même forcément bon !
Il reste quelques jours dans un ranch pour aider une femme seule (Geraldine Page) avec son fils, alors que tout près, les apaches sont sur le sentier de la guerre. Puis il s’en va avec son clébard, mais on sait qu’il reviendra, car quelque chose dans cette femme lui plait. Vittorio, le chef des apaches (Michael Pate), prend le fils de la femme seule sous sa protection, car le gosse est un brave de chez les braves qui a peur pour sa mère, mais pas pour lui-même. C’est ce qui sauvera la vie au Duke, qui était pourtant prêt à mourir en brave par ce beau jour ensoleillé. Le Duke aura la vie sauve, mais pas son chien. Le film datant des années 50 et non des années 90, le Duke semble n’en avoir rien à secouer de la mort de son chien. Pas de mâchoire crispée, pas d’expédition punitive, pas de scènes tire-larmes, nada, le cabot est mort et on passe à autre chose.


Un chien de perdu, une femme de trouvée. Le Duke prend la femme, éduque le gosse à la méthode dure mais tendre et se prend à espérer une vie meilleure. Les tuniques bleues se ramènent avec leur vision simpliste de l’Indien. Le Duke enrage. Les tuniques bleues se font totalement décimer mais reviennent tout de même en ayant tué Vittorio, le chef Apache. Du coup la petite famille recomposée n’est plus protégée, il faut fuir et faire tourner les chariots en cercle pour combattre les indiens. Yipee, enfin un vrai western avec des chariots en cercle et des indiens qui tournent autour. De temps en temps, on se prend une flèche en pleine poire comme au Futuroscope, car le film était fait pour être vu en relief. Le Duke tue le nouveau chef Apache, ce qui leur laisse un peu de temps pour s’acheminer vers le mot Fin. Yihaaa. John Wayne, véritable star, immense acteur, suffit à rendre ce film excellent. Oh bien sûr, il y a l’inévitable papotage sous les arbres avec la dame, ses phrases creuses toutes faites et ces petites phrases sur ce qu’est un homme et sur ce que sont ses devoirs, bien sûr, il y a quelques longueurs, mais dans l’ensemble voilà un bon western, de grande classe, tourné en partie, paraît-il, par John Ford, avec de l’action, des sentiments, de l’honneur, et un chien.
Et comme l’a fait remarquer Personne sur le forum Western Movies, les similitudes entre ces deux photos d’exploitation sont assez frappantes :






Wild Bill




Wild Bill
1995
Walter Hill
Avec: Jeff Bridges, David Arquette

En tant qu’introduction à la fameuse série télévisée Deadwood, ce Wild Bill mérite d’être vu à partir du moment où l’on remarque certaines coïncidences :
- le film raconte la fin de Wild Bill Hickok à Deadwood, tandis que la série Deadwood y consacre ses quatre premiers épisodes
- le film est réalisé par Walter Hill, or Walter Hill a également réalisé le premier épisode de la série. Walter Hill est également crédité comme « producteur consultatif » (ou un truc comme ça) sur la série.
- Keith Carradine joue Wild Bill dans la série alors qu’il joue Buffalo Bill dans le film Wild Bill

- La série date de 2004 et le film de 1995, ce qui est très récent en terme d’échelle westernienne.
Fort de ces constatations, on n’a plus qu’à se mater le film et jouer au jeu des sept différences. D’abord Wild Bill. Si Jeff Bridges est un poil en dessous de Keith Carradine, les deux acteurs savent parfaitement rendre la personnalité énigmatique de ce célèbre pistolero de l’Ouest, bien habillé, excellent tireur, mais un brin dépressif sur sa fin de vie.
Ensuite la ville. Le Deadwood de Wild Bill est notablement plus construit et évolué (en particulier le quartier chinois) que l’espèce de coupe-gorge glauque de la série. Néanmoins on retrouve bien les rues perpétuellement boueuses dans les deux cas, ce qui devrait me pousser à vérifier si ce n’est pas là un fait historique, mais je laisse les érudits à cette tâche ingrate.


Enfin les autres personnages et le scénario. Si la série s’attache à montrer que la fin de Hickok fut loin d’être glorieuse (le légendaire pistolero se faisant abattre par un moins que rien), le film invente une vague histoire de vengeance pour justifier l’acharnement de Jack McCall (David Arquette excellent en période pré-gloire screamesque) et tenir le film sur une heure et demie sans faire chier le spectateur. Le final culmine dans un portnawak scénaristique avec prise d’otage et bain de sang en règle avant que Wild Bill finisse sa vie plus ou moins dans sa position historique officielle. C’est bien crétin et ça rappelle la fin de Tombstone qui dérive dans le grand délire avec un Doc Holliday qui revient presque d’entre les morts pour dessouder Jimmy Ringo (ou un autre, je ne sais plus) avec une rapidité déconcertante. En terme d’authenticité, certains westerns des années 90 étaient à peu près aussi éloignés de la réalité historique que leurs prédécesseurs, par cette propension à en rajouter dans le coté spectaculaire et actioner de leurs scénarios.


Et puis on notera la fadeur absolue du personnage de Calamity Jane en comparaison de celle de Deadwood, Ellen Barkin faisant tout son possible pour paraître vulgaire et manish sans utiliser un seul juron (film grand public oblige), même pas le plus petit shit. Par contre contrairement à la série, il y a une scène de cul ridicule entre Calamity Jane et Wild Bill (film grand public oblige), ce qui pourra contenter certains mais fera certainement soupirer le plus grand nombre.


On peut donc dire sans grand risque : Deadwood : 1/ Wild Bill : 0


Et c’est bien dommage, car le film part très bien, avec une présentation fracassante de l’homme aux deux pistolets qui brillent, Wild Bill ayant cette manie de se battre avec à peu près tout le monde et de les tuer tous à chaque fois qu’il le peut. Ainsi Wild Bill descend des types patibulaires dans un relais, quatre ou cinq soldats dans un saloon, un guerrier indien qui le provoque, son adjoint dans la rue par erreur, un type sur un fauteuil roulant dans un duel assez cocasse, ainsi que le mari de la femme qu’il aime et quelques autres. C’est pas que ce soit vraiment transcendant, mais la base du western étant de regarder des hommes tirer sur d’autres hommes dans l’Ouest des Etats-Unis de la deuxième moitié du XIXe siècle, on peut dire que de ce coté là, Wild Bill remplit parfaitement son contrat de façon honnête et efficace.


jeudi 14 février 2008

Règlement de comptes à O.K. Corral





Gunfight at the O.K. Corral
John Sturges
1957
Avec : Burt Lancaster, Kirk Douglas, Rhonda Fleming, Jo Van Fleet, John Ireland, Dennis Hopper, Lee Van Cleef, Jack Elam

Edouard Thorpe, accompagné de John Holliday, retrouve ses frères Paul Thorpe, Vincent Thorpe et Jim Thorpe à Tombstone pour un règlement de compte à OK Corral contre Alex Clanton et ses frères et Jimmy Ringo.

Si ce résumé vous dit vaguement quelque chose mais avec un je ne sais quoi de factice, c’est qu’il s’agit là d’un énoncé établi à l’aide des noms francisés des légendes de l’Ouest Wyatt Earp, Morgan Earp, Virgil Earp, James Earp et Ike Clanton qui s’affrontèrent effectivement à l’aube du 26 octobre 1881 à Tombstone. Cette peur des prénoms américains trop durs à prononcer n’est pas la seule surprise de cette VF si vous prenez la peine de l’écouter avec des sous titres anglais : vous obtenez moultes approximations, des inversions de phrases voire des erreurs niveau troisième (par exemple « we are pretty much alike actually » traduit « nous sommes presque pareils à l’heure actuelle »). Bref les retrouvailles nostalgiques avec cette œuvre immortelle du western américain en prennent un coup direct lorsqu’on met le DVD acheté 2€99 en kiosque dans le lecteur.

Car de retrouvailles nostalgiques il s’agit, et si vous ne supportez pas les gens qui s’épanchent lyriquement sur leur enfance, je vous conseille de sauter ce paragraphe sans hésiter. Règlement de comptes à O.K. Corral, de John Sturges est sans doute le western le plus multi-diffusé en prime time à la télévision dans les années 80, avec Les sept mercenaires, de John Sturges. Cette affirmation ne repose sur aucune vérification du nombre réel de diffusions, mais sur mon souvenir forcément incertain. Quoi qu’il en soit, je me souviens que ces deux films passaient régulièrement au moins une fois par an et qu’il était tout simplement impensable dans la famille de rater une seule diffusion. Heureuse époque ou la télé n’avait pas peur de passer des westerns à la télé, blablabla, fin de la parenthèse nostalgico-râleuse.


Mais il y a un double problème. Premier problème, si quasiment chaque scène des Sept Mercenaires est restée gravée dans ma mémoire, seul le fameux règlement de compte final de ce Règlement de comptes à O.K. Corral m’a aujourd’hui rappelé quelque chose. Heureuse occasion de redécouvrir un film avec des yeux d’adultes diront certains. Mais le deuxième problème se pose là, comme une échéance d’imposition qu’on retrouve sous une pile le 16 février : la première partie du film est très chiante, la deuxième partie du film est moins chiante, mais chiante quand même. Que j’ai pu subir ce film à sept ans, à huit ans, à neuf ans, à dix ans, à onze ans avec toujours le même plaisir dépasse mon entendement. Il y a bien un peu d’action de temps en temps, ne nous trompons pas, il est même possible que le film soit plaisant, mais comparé à l’image mythique forgée dans ma mémoire, c’est de la pisse de chat. On a d’abord droit à Earp (Burt Lancaster) qui tombe amoureux et cherche à raccrocher ses armes avant de faire ce que tout vrai homme fait toujours : laisser les gonzesses à leurs rêves de paix ridicule et aller trucider du méchant. C’est navrant et totalement artificiel dans la mesure où cette histoire avec Rhonda Flemings a été rajoutée pour rassurer le spectateur sur la virilité de Wyatt Earp, au cas où il se l’imaginerait en train de se taper Doc Holliday dans l’arrière salle. Car outre cette ridicule histoire d’amour qui est vite oubliée mais nous assure son inévitable lot de papotages stériles sous les arbres, la grande affaire psychologique de film est l’amitié virile qui unit Earp et Holliday, le grand duo de grandes stars Burt Lancaster et Kirk Douglas. Entre ces deux là, c’est l’attraction/répulsion entre la droiture de la loi et le vice du joueur, mais John Sturges semble incapable de provoquer des étincelles entre les deux stars, incapable de rendre leur relation réellement humaine et intéressante, et seul le charisme naturel des deux stars (enfin Kirk Douglas surtout) parvient à rendre l’ensemble regardable sans trop de déplaisir.


La seule surprise vient finalement de la relation ouvertement sado-masochiste entre Kirk Douglas et Jo Van Fleet, avec des scènes étonnantes de la part de l’actrice qui passe de la dominatrice moqueuse à la femme soumise et implorante. Mais au fond, c’est assez peu, et on finit par trouver le temps long à entendre Doc Holliday tousser.


La deuxième heure passe un peu mieux, d’abord parce qu’on arrive enfin à Tombstone et qu’on sent venir le fameux duel, ensuite parce qu’on se régale de reconnaître les situations vues dans les autres films (Wyatt Earp, Tombstone, My Darling Clementine…). On est en terrain connu et on prend plaisir à voir cette lente montée de la tension avant la violence, montrée d’une nouvelle façon, comme un souvenir diffus qui varie d’une personne à l’autre, comme une évolution de la mémoire commune, un peu de la manière dont les auteurs de comics à travers les âges ont su raconter la mort des parents de Batman avec à chaque fois une approche nouvelle. La multiplicité des films et des versions de ces évènements participe à la mémoire collective d’une légende dont l’historicité sera du coup à jamais incertaine.


Le fameux règlement de compte arrive enfin, et il est intact, comme si cela s’était vraiment passé comme ça, le petit pont, à couvert ! Roulé boulé derrière un muret qui se désagrège lentement sous les balles, bon dieu ils ne sont que six ils devraient être sept ! Là, le rascal planqué dans le chariot, les sonorités des doubles canons, les balles qui sifflent. Burt Lancaster les prend à revers, l’un des baddies flambe et peu à peu, comme dans une guerre d’usure, les méchants meurent les uns après les autres, tandis que les gentils sont blessés, tu es salement touché ? Non ça ira je crois ! Et après tout ça, la chanson du générique, forcément inoubliable, forcément inoubliée. Le charme a fini par opérer, mais Dieu que ce fut long à venir, et ce n’est pas la chasse aux têtes connues (Lee Van Cleef, Jack Elam, John Ireland, Dennis Hopper), ni la chasse aux détails curieux (le long révolver du Colonel Mortimer aperçu brièvement – Sergio Leone a-t-il inventé quoi que ce soit ?) qui suffisent à relever l’intérêt d’un film globalement moyen et qui aurait peut-être dû rester dans nos souvenirs.