dimanche 30 novembre 2008

[HW] - Mesrine: l'ennemi public numéro 1


Il y a 2000 ans environ, un juif un peu trop bavard mourrait dans d'atroces souffrances. Il était loin de se douter que son martyr donnerait lieu à une religion majeure. Et encore moins que son supplice donnerait lieu à une imagerie exploitée ad nauseam, y compris pour l'affiche d'un film sur un malfrat de la deuxième moitié du 20e siècle...

samedi 29 novembre 2008

Le nouveau monde


The new world
Terence Malick
2006
Avec : Colin Farrell, Q’orianka Kilcher, Christian Bale

Cela commence avec une musique hollywoodienne typique particulièrement détestable (on me dit en commentaires qu'il s'agit de Wagner, donc j'ai l'air con... ), puis la bande son laisse heureusement la place aux oiseaux, au vent, aux arbres, à cette multitude enchanteresse offerte par la virginité des terres inexplorées. La variété est estomaquante, entre hautes herbes et marais, entre grands arbres et cours d’eau miroirs d’un ciel sans cesse renouvelé. Le capitaine John Smith (Colin Farrell, fragile comme toujours) patauge un peu avant de se faire chahuter un brin par les bons sauvages de Rousseau. Puis il s’adapte un temps chez eux, partage leur vie douce et simple et se promène avec une belle indienne (Q’orianka Kilcher). Avec elle, il marche dans les roseaux, avec elle il regarde le tonnerre au loin, avec elle il s’enlace front à front dans la nature. Le temps s’arrête, les acteurs, Colin Farrell en tête, semblent hors du film, et John Smith ne fait rien à part apprendre l’anglais par la méthode globale à la belle indigène.

Les indiens voudraient voir les anglais partir et Pocahontas, car c’est bien d’elle qu’il s’agit, est leur porte d’entrée dans l’ancien monde. Quand il devient évident que les anglais mettent en péril leur schéma de développement durable, c’est la guerre. Mais là aussi, la guerre n’est qu’un sale moment à passer, confus, entrecoupé de trêves silencieuses et d’oiseaux qui volent. John Smith fait la guerre en spectateur, comme s’il n’était pas concerné. On ne sait pas pourquoi les indiens ne finissent pas le boulot, à la place ils vendent Pocahontas contre un pot de chambre. Les promenades champêtres peuvent reprendre sous le soleil qui perce les feuillages. Mais John Smith doit partir…

Poème visuel plus qu’histoire contée, Le nouveau monde est extrêmement chiant, mais dans le bon sens du terme. Si l’on accepte de se laisser porter, le charme opère, le temps s’arrête, la vie décrite par Terence Malick devient une vie rêvée où les évènements n’impactent ni votre humeur, ni votre rythme, ni vos sentiments. Les images belles comme un Turner racontent le film sans recourir aux artifices narratifs habituels et le découpage hisse le spectateur au niveau supérieur : vous ne suivez pas l’intrigue, on ne cherche pas à vous immerger de force à grand coup de chocs émotifs. Au contraire, le but est de vous sortir du film, de vous donner à le ressentir plus qu’à le subir. Le procédé des voix offs devient en cela presque contre productif tant l’astuce est éculée face à la distance prise par le réalisateur envers son sujet. Les dialogues sont rares, mais bien écrits et non verbeux, le respect des colons anglais envers la princesse indienne transcende le manichéisme habituel indiens= bons et blancs = méchants, et le film devient une sorte de fable que l’on regarde avec 400 ans de distance, sans prendre parti, en se laissant bercer par la beauté des images et des voix, par la dignité surréaliste des personnages et leur surhumanité. Pas aussi bien que L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, mais à voir quand même sans hésitation si vous avez de l'affection pour ce dernier !

mercredi 26 novembre 2008

Le nouveau Giré est sorti.


Il est là, il existe, il est beau, il est indispensable... mais je ne l'ai pas acheté.
En effet le sieur Breccio donne un avis rapide sur les différences entre l'ancienne édition et la nouvelle: ici.
Ces différences ne me semblent pas justifier pour le moment le rachat du livre quand on a déjà la première édition, sauf bien sûr si on ressent le besoin irrésistible de le faire (ce qui risque bien de m'arriver un jour).

Mais si vous n'avez pas la première édition et que vous vous intéressez au western européen, l'achat de Il était une fois... le western européen par Jean-François Giré est tout bonnement indispensable. Pour rappel, le livre en question est une véritable bible de 590 pages, présentant analyses sur le genre par thèmes, rappel du contexte politique économique et social en Italie année par année, et surtout la liste quasi-complète des six cent westerns européens, avec fiches exhaustives, iconographie très riche, et critiques pour les plus intéressants d'entre eux, sans oublier un segment spécial pour les trois Sergio du genre: Sergio Leone, Sergio Corbucci et Sergio Sollima.
Tous les autres livres sur le sujet étant beaucoup plus anciens et tout aussi difficiles à trouver, Il était une fois le western Européen est rapidement devenu une légende, le livre que tout fan se doit d'avoir. Malgré quelques réserves que l'on peut apporter sur certaines critiques de l'auteur (une certaine tendance à la paraphrase qui parfois gâche les seules bonnes idées d'un film, peut-être parfois un peu de complaisance avec certains réalisateurs, des résumés de films inutiles quand on voudrait avoir un avis, même concis, sur le film), Il était une fois le Western Européen est un livre indispensable dans lequel on se perd des heures et des heures avec plaisir. Une somme de travail considérable étalée sur des années et des années par un passionné qui était là à la grande époque et qui peut donc en parler en connaissance de cause.
71.25€ à la fnac en prix vert. J'avais acheté la première édition environ 69€ en 2002, donc la hausse est assez minime. Le livre peut paraître un peu cher, mais quand on aime le genre, c'est un livre que l'on lit, que l'on consulte, que l'on relit, que l'on reconsulte jusqu'à ce qu'on le connaisse par coeur! La première édition ayant été épuisée rapidement, je vous conseille de ne pas trop attendre avant de l'acheter.

dimanche 23 novembre 2008

[HW] - Mesrine, l'instinct de mort


On peut entendre dire un peu partout "Mesrine, c'est pas le film du siècle, mais c'est plutôt pas mal!".
C'est plutôt pas faux.

vendredi 21 novembre 2008

Django tire le premier



Django spara per primo

1966

Albert de Martino

Avec : Glenn Saxson, Fernando Sancho, Lee Burton

Un chasseur de prime vogue dans le désert d’Almeria avec un cadavre sur un cheval. Pas de chance, il tombe sur Django, qui n’est autre que le fils du cadavre. Django voit rouge comme Trinita et abat le chasseur de prime. Puis il touche la prime offerte pour la mort de son père.

Cette introduction totalement amorale comme seul peut nous l’offrir le western spaghetti est un peu à l’image du scénario de ce film : les salauds sont salauds, les bons sont un peu salauds aussi. L’intrigue, loin d’être de type vengeance/dramaturgie œdipienne, raconte l’histoire d’un homme décidé à saisir la chance de sa vie, malgré sa nonchalance apparente, et en dépit de procédés discutables. Django est naturellement invincible (une balle dans la jambe ne le fait boiter que quelques heures, une nuit de sommeil et il n’y paraît plus) que ce soit au poing, au pistolet ou au couteau. Cherchant à récupérer une part d’héritage qui lui revient, il se frottera forcément avec la bourgeoisie corrompue du patelin qui est censé lui appartenir à 50%, tombera dans le piège savamment tendu quand il devient clair que la force ne suffit pas contre lui, se prend une ou deux révélations au passage et rencontre un bout de femme joli (Evelyn Stewart) mais particulièrement cupide et calculateur. Épaulé par un Fernando Sancho qui non seulement ne joue pas un bandit mexicain, mais qui en outre ne pousse pas ses légendaires éclats de rire, Django n’a au fond qu’un objectif : s’enrichir sur le dos des méchants quitte à tromper la justice. C’est le western spaghetti : aucun bon sentiment, l’héroïsme n’est pas de mise et seuls l’insignifiant shérif et le dandy et sa canne pique pique ouille ont une certaine moralité à peu près politiquement correcte.
Alors le tout se suit sans déplaisir d’autant que l’intrigue réserve quelques surprises (dont une à la dernière minute) tout en sortant des habituels sentiers boueux du western italien, et que certains cadrages ne manquent pas d'inventivité. Le gros problème c’est Django lui-même. Glenn Saxon, très légèrement empâté, n’est absolument pas fait pour le rôle. Son colt qui lui descend au niveau des genoux lui donne l’air pataud et ses fripes maronnasses délavées lui ôtent tout le magnétisme troublant qu’aurait du requérir le rôle. Un peu comme si Brendan Fraser jouait James Bond. Cette faute de goût n’est pas loin de faire totalement sombrer ce film par ailleurs assez mineur par son budget et son ambition. Reste la musique de Bruno Nicolai qui ne reste pas dans les mémoires mais qui sait reproduire l’ambiance et l’atmosphère attendue.

Où le voir : en VOD sur CanalPlay. La VOD est-elle l’avenir de l’homo bissus legalus? Peut-être bien dans la mesure où cela nous épargne des jaquettes hideuses pleines de fautes d'orthographe et de photos sans rapport avec l’intrigue du film. La qualité n'est ni pire ni meilleure que les DVD studio canal récents et le film est présenté en version italienne sous-titrée et au format. Il est toujours étrange de regarder un western en langue italienne, mais c’est toujours mieux qu’un Poker d’As pour Django à la VF désastreuse. Donc, pour 3€99 vous obtenez pour 48 heures peu ou prou la même qualité de service que les DVD de la même boîte. Quand il s’agit d’un film que vous n’allez pas regarder tous les ans et que vous n’êtes pas atteints de collectionnite grave, c’est tout à fait convenable.

PS: George Eastman fait une de ses premières apparitions dans un spagh, à la fin du film.


samedi 15 novembre 2008

Le temps du massacre


Le colt cantarono la morte et fu… tempo di massacro
1966
Lucio Fulci
Avec : Franco Nero, George Hilton

Un péon est lâché dans la nature pour être immédiatement poursuivi par une horde de chiens et de gueules patibulaires. Normal, c’est un péon, corri uomo corri, et comme dans la vraie vie, le faible se fait bouffer dans une curée extatique. Les esprits chagrins se demanderont ce que fait un péon mexicain dans une nature verdoyante aussi typiquement italienne. Les esprits contemporains remarqueront que décidément, ces chiens sont bien longs à rattraper le type. Les esprits comme il faut dénigreront une scène à la cruauté purement gratuite, sans même une pseudo-excuse de continuité narrative. Cette mort ne sera en effet sans conséquence aucune dans la suite des évènements. Les esprits spaghetti au contraire, apprécieront qu’il n’y ait pas de héros pour sauver le malheureux, car dans le western spaghetti, l’expression de la violence passe d’abord par une cruauté démesurée de la part des méchants.

Ensuite, les racines du mal œdipien se mettent en place tranquillement sous une musique pas encore tout à fait débarrassée des tics du western américain. L’imagerie elle, est parfaitement raccord : ville délabrée, figurant qui mène un cochon, vils salopards qui jouent aux dés et Tom Corbett (Franco Nero) dans sa vareuse noire au beau milieu d’une rue qui se vide de ses habitants. Le méchant à gueule d’homo refoulé (Nino Castelnuovo) se trouve de nouvelles victimes et le massacre peut commencer. Ville terrorisée, familles désespérées, poids des non-dits et de la peur, Tom Corbett reste plus ou moins passif le plus longtemps possible, le temps d’abord de retrouver son frère devenu alcoolique (George Hilton) et de parler à Carradine qui passe à l’as illico ainsi que sa famille. Hoo bien sûr, on le met en garde Corbett, il va arriver un malheur, regarde, il y a Aysanoa Runachagua qui nous surveille du haut de la colline, ça, c’est forcément des ennuis en perspective, et puis le méchant joue du clavecin ou de l’orgue, attention !!

Malheureusement, les frères Corbett ne sont pas de simples péons, ni des petits paysans, on ne peut pas les donner simplement à bouffer aux chiens : intimidations, passage à tabac, alcool sur les plaies, séquences de fouet traumatisante, meurtre de la vieille nourrice, il faut ce qu’il faut pour décider nos deux lascars à enfin se bouger et nous décimer tout ça dans les règles, révélations familiales dans l’estomac !


Film clé dans la période sombre du western spaghetti, Le temps du massacre se démarque de certains de ses cousins tels Texas Addios par un ton extrêmement sec et inhumain dû à la personnalité sans concession du réalisateur Lucio Fulci. Il n’échappe pas non plus au ridicule de certaines situations (l’adresse irréaliste du frère de Scott alors qu’il est sous l’emprise de l’alcool, certaines pirouettes du combat final), ni au sentiment rétrospectif de déjà vu après que bon nombre de westerns (et pas toujours des moindres : Le dernier des salauds, Johnny Hamlet, Keoma, Mannaja) exploreront la même trame scénaristique désormais éculée. Malgré tout, Le temps du massacre est un western particulièrement réussi, avec une interprétation sans faille de l’ensemble des habitués du genre (y compris George Hilton, qui donne à son personnage un certain recul bienvenu) et un premier degré dramaturgique assumé propre à faire frissonner les plus blasés d’entre nous ! Ainsi lorsque Franco Nero annonce « Je reviendrai ! », ainsi, lorsque George Hilton se décide enfin à empoigner sa winchester, ainsi lorsqu’il devient clair que le massacre devient la seule voie de sortie, l’esprit du western spaghetti bat son plein. A la fin tout le monde est mort ou presque – comme il se doit – mais au moins, les non-dits et les secrets se sont exprimés de la façon la plus spectaculaire qui soit.

Le DVD Studio Canal : service minimum, image non restaurée, VF seulement, jaquette hideuse : le marché du DVD perd ses parts de marché et s’enterre lui-même. Si on est heureux de posséder un DVD Neo Publishing réalisé avec soin, quel gain avons-nous à acheter ces DVD mal foutus ? On en serait presque à préconiser le téléchargement dans des cas comme celui-ci. Mais c’est marqué au début du DVD : c’est interdit !!!

lundi 10 novembre 2008

No country for old men


No country for old menEthan Coen, Joel Coen
2007
Avec: Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin

C’est la crise. Le mieux est de trouver une valise pleine de dollars quelque part sachant que c’est forcément une belle connerie de vouloir la garder.

Les grands paysages, la violence hallucinante, la maestria de la mise en scène, que faut-il retenir exactement de No country for old men ? Difficile à dire. Par le seul biais d’une fin non conventionnelle, ou plutôt d’une absence de fin comme il est souvent d’usage dès qu’un film se veut « anti-hollywoodien », le film tente de nous faire croire « qu’il y a autre chose derrière » le carnage. Autre chose qu’un champ de cadavres à la pose savamment étudiée avec le bzz des mouches dans l’oreille. Autre chose qu’un putain de molosse qui vous poursuit même dans l’eau et dont un coup de calibre ne parvient pas à arrêter l’élan. Autre chose qu’un anti-héros moustachu épatant (Josh Brolin) qui décide de faire une connerie sachant qu’il va y rester mais qui survit plus longtemps que prévu. Autre chose que des pick up vrombissant tous feux allumés dans les étendues. Autre chose qu’un psychopathe (Javier Bardem) à air comprimé, implacable, à la coupe de cheveux hideuse et qui vit selon une logique inhumaine.
Mais en fait il n’y a rien d’autre.
Le shérif
Tommy Lee Jones a beau être dépassé par les évènements et raconter ses rêves, certains dialogues ont beau sonner comme du pur frères Coen, la fin a beau être aussi ouverte que la fracture du tueur, l’humour des situations et l’absurdité du propos ont beau désamorcer une grande partie de la violence, les personnages ont beau faire absolument n’importe quoi comme dans tous les Coen, c’est bien tout simplement un excellent film d’action qui se déroule sous vos yeux. Un nom de dieu de film d’action qui serait débarrassé des tics hollywoodiens tout en puisant ses archétypes dans un vivier inépuisable du film américain, de Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia à Extrême Préjudice pour l’ambiance Texaco-mexicaine poisseuse aux films ultra-violents des années 90 tels Tueurs Nés (tiens bonjour Woody Harrelson) ou Pulp Fiction pour la modernité du montage et des dialogues. Sans oublier même pourquoi pas Massacre à la tronçonneuse qui apporta lui aussi en son temps sa pierre à cet étrange représentation surchauffée du Texas en repère de psychopathes dangereux à la crasse étudiée. Et on peut bien creuser, décortiquer, disséquer, c’est bien l’adrénaline alliée à cet étrange humour qui fait fonctionner le truc, c’est bien les meurtres, les poursuites, les planques, le bip bip de l’émetteur qui nous tiennent en haleine et qui nous font sursauter. Et bien sûr la faune, les laissés pour compte qui vivent dans leurs mobil homes, le vieux flic qui n’en revient pas de la mode des piercings, l’autre qui fait son café une fois par semaine, la chaleur, la poussière et l'espagnol des mexicanos qui émaille les dialogues. Il n’y a rien d’autre à comprendre que le plaisir ressenti à suivre le film et d'être surpris au milieu de cet univers pourtant ultra-codifié. Et c’est chouette comme ça. Le western est bel et bien mort, mais sa descendance semble bien se porter. Adios ayer.