lundi 15 octobre 2007

Les quatre desperados

Los desesperados
(Quei disperati che puzzano di sudore e di morte)
1969
Julio Buchs
Avec : Ernest Borgnine, George Hilton


Un caporal sudiste courageux (George Hilton) est forcé de déserter pour pouvoir se marier au plus vite - honneur oblige - avec sa fiancée qui est sur le point d’accoucher. Quand il parvient enfin à le faire, celle-ci est morte en couches. Pour ne rien arranger, Sandoval , le père de la fille (Ernest Borgnine), un puissant notable, le rend responsable de ses malheurs et le flanque dehors avec son bébé en pleine épidémie de choléra. Et signe que vraiment Dieu lui en veut, son fils ne tarde pas à mourir de faim. Un homme normal aurait un peu envie de se venger. D’ailleurs, c’est ce qu’il fait.

Dommage que le caporal en question soit joué par George Hilton, on était sinon à deux doigts du chef d’œuvre tragique, noir au désespoir inéluctable planant tel un vautour au dessus de l’arène (le genre qu’on adore quoi…). En effet, George Hilton déjà abominablement passable la dernière fois que je l’ai vu (Je vais, je tire, je reviens, il me semble), est encore plus insipide, fade et insignifiant dans ce film là. Sa tenue change légèrement, elle évolue au fur et à mesure de sa quête vengeresse, mais son jeu, non ! Toujours le même regard vide, à l’exception d’un bref moment au saloon où il tente de montrer qu’il est timbré. Car l’une des forces du film est de signifier que le caporal auquel on s’identifie au début devient à la longue nettement pire que le patriarche obtus à qui il voue sa haine démesurée. Mais avec George Hilton aux commandes d’une telle destinée, la puissance ravageuse de sa vendetta fait plouf. Anthony Steffen ! Julio Buchs eut-il choisi le légume Anthony Steffen plutôt que la soupe George Hilton, la face du monde spaghetti en aurait été changée à jamais, préservant ce film espagnol d’un oubli injuste. Car Anthony Steffen eut au moins apporté – involontairement – sa légendaire dégaine pitoyable et son regard de chien famélique pour donner au moins un certain semblant de début de substance au personnage. Mais le mal est fait, on se demande pourquoi Julio Buchs ayant réussi à avoir Ernest Borgnine n’a pas pu trouver mieux que George Hilton, mais c’est sûrement une autre histoire.



LA scène où George Hilton essaye d'exprimer quelque chose


Pour être tout à fait honnête, la transparence laiteuse de l’un des deux interprètes principaux n’est pas le seul obstacle qui sépare Les quatre desperados du chef d’œuvre méconnu. Il y a aussi quelques inévitables défauts du genre western spaghetti. On peut à nouveau les recenser pour les novices, mais les aficionados n’y font même plus attention : ellipses sauvages, caractérisation à la serpe de certains personnages, rythme inégal, circonvolutions scénaristiques inutiles, décors vus mille fois (bien que ce film-ci innove pas mal à ce niveau là), oubli total de certaines sous-intrigues. Pour ne rien arranger, les couleurs ne sont pas très belles, (défaut peut-être du à l’encodage Zone 1 (NTSC ?) du DVD ?) et le doublage anglais est comme toujours très pauvre, très haché, du niveau de jeu d’Hélène et les garçons, - même Ernest Borgnine semble réciter ses lignes en lisant un prompteur.


Mais si on passe au dessus de ces inconvénients – et on passe dessus d’autant plus facilement qu’on en a l’habitude – quelle splendeur ! Quel sens latin du morbide ! Le film est espagnol, et ce n’est pas anodin de le dire. Je citais les défauts récurrents du western spaghetti, Julio Buchs en évite plein : pas d’exagération ridicule de la violence (on peut d’ailleurs considérer le final comme une sorte de pied de nez au massacre final de La Horde Sauvage, qui n’est pas un spaghetti, mais dont la violence a été fortement influencé par le western spaghetti), pas de traitement purement formel et anecdotique de la guerre de Sécession : elle est là et bien là, on assiste aux réunions des généraux, elle n’est pas juste un décor; pas de centaines de morts sans conséquence, pas de rebondissements invraisemblables. Mais une vraie ambition de la part du réalisateur de réaliser plus qu’une simple histoire de vengeance en mode automatique : un traitement humain des personnages, en particulier celui d’Ernest Borgnine, des scènes intimistes, des facteurs d’ambiance inattendus (la scène d’introduction, la féria finale avec les arènes et les toros), une musique réussie de Gianni Ferrio, sans pour autant plagier le style d'Ennio Morricone, dans laquelle on retrouve des accents classiques connus (Breccio y a reconnu le Concerto pour Aranjuez, on va dire qu’il a raison vu que j’y connais rien :-)) et qui participe au caractère lyrique de l’intrigue. La mort et la cruauté, toujours en filigrane, sont d’autant plus frappantes qu’elles surgissent toujours de façon brève, sans s’appesantir inutilement sur les effets les plus démonstratifs, à l’exception notable de la toute première scène de vengeance du ravioli George Hilton et de la fin longue et cruelle de Sandoval. Pas de vrai méchant, pas de vrai héros, juste deux hommes qui se haïssent pour le pire et pour le pire. Une vraie petite surprise que ce western en définitive, qui, pour peu que vous ne soyez pas allergiques aux endives crues (je parle de George Hilton, là, suivez un peu quoi…), comblera tous les amateurs de western spaghetti qui ont déjà vu les Leone, les Sollima, les Corbucci, les Castellari et qui en redemandent encore.



Où le voir : en vente sur Amazon.com sous le titre A bullet pour Sandoval, pour à peine plus cher qu’une soupe de légume fade, mais beaucoup plus intéressant. Le film est en anglais sans sous-titres, mais comme les acteurs disent leurs lignes avec l’application d’un CM2 qui récite la lettre de Guy Môquet, ça passe relax.

Et puisque je me suis acharné plus que necéssaire sur le jeu de George Hilton, vous pouvez retrouver des critiques un peu plus constructives et détaillées ici:




4 commentaires:

  1. Et bien, tu lui en veux à ce pauvre Georges ! Moi, je commence à l'aimer bien. Je viens de le voir en frère alcolo de Franco Nero dans "Le temps du massacre", il est chouette. Chez Castellari, je l'avais trouvé bien aussi, décontracté.
    OK, il n'a pas un jeu très entendu, voir très réduit. Mais on sent qu'il fait des efforts. dans la scène finale, il a quand même un peu de prestance. Non ? ah bon... sacré Georges.

    Le doublage anglais est effectivement monocorde, ce qui n'a pas suffit à me gâcher le plaisir. J'aimerais bien écouter la version italienne mais je ne sais pas s'ils ont sortit un DVD là bas.

    Sinon, on trouve la musique de Ferrio en CD pour guère plus cher qu'un plat de figues (molles). Bravo à Breccio, je n'avais pas reconnu Aranjuez.

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  2. Ah oui, c'est lui dans "Le temps du massacre" ? Effectivement il y était bon, il va remonter dans mon estime alors...

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  3. En parlant d'Hélène et les Garçons (et d'endives), tu sais qu'il y a pire comme référence que cette série en matière de jeu non expressif ?

    La défunte série consacrée aux 2B3 était sans doute ce qui se fait de mieux dans le genre. Parce que, pour Hélène, il s'agissait d'acteurs passablement mauvais, ok, mais ils avaient une excuse : ils tentaient d'interpréter un rôle (avec la force de conviction d'une moule cuite, je te l'accorde), alors que dans la série des 2B3, les trois guignolos interprètent leur propre rôle et réussissent à être mauvais quand même.
    Mieux, on leur a pondu des dialogues de "jeunes" qu'ils n'arrivent pas plus à débiter que si on leur avait filé du Shakespeare.
    Il faut voir notamment Frank ahaner un "oh, Filip, tu es relou", avec des yeux de poisson mort, un rictus crispé en guise de sourire et un ton aussi avenant que celui d'une guichetière de la Poste pour se rendre compte que même dans la nullité, il y a des niveaux.
    ;o)

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  4. J'avais complètement oublié cette merveille, lol

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