vendredi 19 octobre 2007

T'as le bonjour de Trinita



Cet article est un mix de la notule sur ce film dans mon dossier Western spaghetti de Dvdrama et d'une de mes interventions sur le forum western movies


Little Rita nel west

Ferdinando Baldi
1967
Avec : Terence hill, Rita Pavone Gordon Mitchell

Quand on voit le DVD
(Avec Evidis, tout est permis), et le titre, on s’attend au pire. Rita del West (Rita Pavone), jeune femme qui tire juste et frappe fort est complice avec un chef indien (Gordon Mitchell) qui se trimballe avec un club de golf. Ils cherchent à amasser le plus d’or possible pour le détruire, car l’or avilit l’homme. Sur sa route, Rita devra se mesurer à Ringo sous son poncho et à Django, qui tire toujours son cercueil avec ses mains bousillées. Puis elle trouvera l’amour en la personne de Trinita, bien que ce film soit antérieur à la série des Trinita.


Difficile de ne pas au moins sourire
devant cette caricature en règle de tous les poncifs du western Italien : le shérif cherche vainement à empêcher Ringo d’aller abattre un ancien complice, puis découragé il lance « c’est bon c’est bon, je vais chercher les cercueils ! », Django réclame une mort « à l’américaine » et la scène des pieds de Et pour quelques dollars de plus est parodiée. En outre, le film présent sur le DVD Evidis n’a plus grand-chose à voir avec le film d’origine, sorti en 1967. D’une part, il est raccourci de 24 minutes, 24 minutes de chansons de Rita Pavone, qui était très connue à l’époque. D’autres part, un certain nombre de gags verbaux ont été rajoutés au cours du doublage français pour sa sortie en France dans les années 70. Car ce petit film à petit budget avec l’inconnu Terence Hill n’est jamais sorti en 1967 en France. 1970, après l’explosion de la farce On l'appelle Trinita, les exploitants partent à la recherche de tout film antérieur joué par Terence Hill et inexploité en France, afin de le retitrer « Trinita » et de s’en mettre plein les fouilles. Et dans le cas de ce Little Rita nel west, ils sont allés plus loin que le remaniement du titre : ils ont rajouté des lignes de dialogues (quand les personnages sont hors champ ou filmés de loin) par rapport à la version d’origine. Résultat, on entend une allusion à Cap Canaveral avant l’explosion des grottes, les personnages lancent des citations du genre « Confucius disait toujours : rends moi mon or ducon » ou encore « Trotsky disait toujours : quand faut y aller, faut y aller… ». Bref, du travail d’amoureux de l’œuvre originale par des acharnés du respect dû aux auteurs.

Et pourtant, si vous n’êtes pas un fan hardcore qui veut la version française et la version italienne, je pense que c’est bien la version française qu’il faut chercher à voir.
En effet - et bien que je n'ai pas vu la version italienne - j'affirme sans risque qu'on peut très bien se passer des chansons de la miss Pavone pour peu que l'on ait peu d'intérêt pour la chanteuse.
On se retrouve alors avec un film court, déstructuré et remixé. T'as le bonjour de Trinita devient une oeuvre à part, cohérente et parfaitement dissociable de Little Rita nel West. Les dialogues anachroniques en font une oeuvre post-moderne où l'exploitant du film prend soin d'améliorer et de refaçonner un matériau fade pré-Trinitesque en farce post-Trinitesque de meilleure tenue, avec pourtant un budget post-prod minimaliste, tout en mettant en avant la dérision même du projet (voir la blague sur le budget riquiqui du film).
De nos jours où la télévision passe son temps à faussement se moquer d'elle même (voir les farces auto-ringardisées que sont les nouveaux Intervilles ou l'Eurovision), on pourrait ne pas y prêter attention. Mais là, la sortie de ce film dans les années 70 en France, plusieurs années après la sortie italienne, mais quelques années avant les films des ZAZ est tout à fait intéressante en soit. Et le redécouvrir, brut de chez brut en DVD dans les années 2000, sans aucun recul apparent de la part d'Evidis sur l'oeuvre bâtarde présentée (voir le résumé totalement sérieux sur la jaquette joliment ocre) - comme si Evidis n'avait même pas compris que le film, même en 1967 était déjà une parodie - donne un piquant supplémentaire au film.
Et on se prendrait même au jeu en déclarant qu'il est possible que le résumé "sérieux" d'Evidis fonctionne en fait comme une blague, un faux air de "on vous a bien eu hein?" pour ajouter une dimension de relecture parodique supplémentaire (Evidis parodiant les résumés affligeants des westerns de série B italiens) à un film dont l'objet initial finit par se perdre au fil de ses multiples ajouts de surcouches de dérision.
En bref, un film bien mauvais et parfaitement dispensable, mais si vous tenez à le voir et que vous parlez français, il est indispensable de le voir en VF, dans sa version Evidis avec la jaquette dans les mains!

3 commentaires:

  1. Le bruit que tu entends, c'est pas Roland Barthes qui se retourne dans sa tombe, c'est Roland Barthes qui ressuscite de rire.
    Bravissimo, maestro!
    Breccio

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  2. Le problème reste quand même que l'on ne peut apprécier cette "oeuvre" que si on a des "lettres", à savoir avoir déjà vu les Leone, les Django, quelques Ringo et des plats de navets cuisinés par Gordon Mitchell. Là, Little Rita nel West devient agréable à regarder et à entendre. Même si la minuscule Rita Pavone est ridiculement non crédible en garçon manqué au pistolet d'or et joue comme un plat de spaghetti carbonara oublié trois semaines dans un Tupperware au fond du frigo.

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