mardi 2 septembre 2008

Ciel de plomb


1968
E per tetto un cielo di stelle
Giulio Petroni
Avec : Giuliano Gemma, Mario Adorf

Le titre français est superbe, plein de promesses de désenchantement lugubre et de violence frappée au coin de la destinée. Un titre pareil pour un western, bien-sûr, une fois qu’on l’a lu, on trouve ça évident. Mais bravo tout de même au gars qui a trouvé ça il y a quarante ans, il fallait y penser le premier ! L’intro aussi est pleine de promesse de mortalité désespérée dans un monde de lenteur extrême. Giuliano Gemma enterre en plein désert des innocents qui sont morts à sa place. La musique d’Ennio Morricone opère de son charme inimitable mais souvent imité tandis que Mario Adorf observe la scène de loin, sans rien dire. Giuliano Gemma sait que Mario Adorf l’observe et Mario Adorf sait que Giuliano Gemma le sait. Enfin, Mario Adorf se décide, prend une pelle sur sa mule, et va aider Giuliano Gemma à enterrer ses cadavres. Il pourrait lui dire un mot, il pourrait lui dire « bon sang, quel massacre, que Dieu ait pitié de leurs âmes », mais non il se tait, car il habite au pays du western spaghetti, où la violence va de soi, où les hommes communiquent par le regard, la pose et la nonchalance, où chacun sait ce qu’il a à faire sans se préoccuper d’un stupide vernis de civilisation. Quand on enterre des innocents dans le désert, on raconte pas sa vie.


Mais voilà, après cette bonne première séquence, le film part dans une toute autre direction. Le western spaghetti tragique et crépusculaire fait place à la comédie simple, non parodique et sans complexe. En soit ça n’est pas un problème, et dans la mesure où la violence reprend ses droits de façon fugace et régulière, cela aurait pu donner un film d’exception, où le rire est désamorcé quand on s’y attend le moins par le retour à la tragique réalité, rendant par là même cette violence encore plus choquante. Malheureusement ce n’est pas le cas car l’aspect comédie est raté, les gags sont lourdement appuyés et prévisibles, les dialogues sont longs, plats et répétitifs, le doublage est à peine correct et on s’ennuie poliment en attendant de sourire un peu. Le personnage de Mario Adorf est tellement stupide qu’il est impossible de l’apprécier. Giuliano Gemma lui, joue son rôle « sympa » avec son aisance habituelle mais ça ne suffit pas. La relation entre les deux ne fonctionne pas, et il n’y a pas seulement un semblant d’indice qui explique pourquoi Gemma s’attache à un type aussi idiot. Les quelques bonnes idées de scénario (le faux télégraphe, l’attraction de la sirène (décidément cette fascination du western italien pour le cirque…)) ne parviennent pas à rattraper les multiples scènes navrantes (la séduction de la veuve, l’arnaque de la banque, le ranch délabré, le truc sur les lapins, le cracheur de feu) ! Le tout n’est au demeurant pas si mauvais et reste tout à fait regardable, mais après une aussi prometteuse introduction, ça énerve grave le spectateur de bonne composition qui commençait à être bercé par la musique de Morricone et par la mortalité ambiante. La fin rattrape un peu le tout, enfin l’amitié entre Giuliano Gemma et Mario Adorf commence à être crédible, enfin Giuliano Gemma montre ses failles, enfin l’humanité des personnages transparaît. Mais c’est trop tard, on a le sentiment que le film est parti dans la mauvaise direction, malgré un réalisateur de talent (La mort était au rendez-vous, Tepepa), malgré Giuliano Gemma, malgré Ennio Morricone, et en dépit d’un titre français magnifique et d’une intro flamboyante. Tant pis, c’est toujours ça de pris !

Où le voir : DVD studio Canal. Chez Studio Canal, ils ont vraiment bien pris le pli de chez Evidis. Le résumé de la jaquette n’a en effet rien à voir avec l’intrigue ! Encore un petit effort les gars : mettez aussi des photos d’illustration qui proviennent d’un autre film et vous arriverez enfin au niveau de qualité Evidis. Par contre il faudra baisser un peu le prix aussi, sinon, on joue plus !

8 commentaires:

  1. À défaut de remplacer un Breccio ou un Flingobis, je viens juste donner mon avis sur ton avis :)
    Je te trouve très sévère avec ce film : tu n'en sauves que l'introduction, la fin et la musique, ce qui est très réducteur.
    Perso, je trouve ce film très réussi, bien que Gemma fasse Son personnage. Quant à Mario Adorf, il a ce je-ne-sais quoi de truculence mêlé à la naïveté de son personnage qui fait que sa présence est amusante, sans être appuyée.
    Petroni a certes fait beaucoup mieux, mais le lyrisme qui se dégage de la musique et le contraste comédie/violence est habilement équilibré, à mon sens.
    Sans crier au chef-d'œuvre, je pense que Ciel de plomb a des qualités indéniables et qu'il trouve sa place dans la catégorie des westerns spaghetti réussis.
    Revois-le dans un an... Tu t'en sens le courage sur le principe ? ;)

    Sartana

    RépondreSupprimer
  2. Ah j'ai oublié : Gemma s'attache à Adorf car il peut lui soutirer de l'argent (au début au moins).
    Et puis est-ce qu'on se demande pourquoi Terence Hill s'attache à Bud Spencer ?...

    RépondreSupprimer
  3. Mais oui je m'en sens le courage, rien que pour l'intro, je le reverrai un jour:)
    Bud Spencer, ou alors Juan dans IEUFLR, on s'y attache parce qu'il y a autre chose que de la bêtise qui transparaît de leur personnalité: la jovialité, la force, la bonhommie, la truculence, la générosité. Le personnage de Mario Adorf est juste bête comme ses pieds, je n'y vois aucune truculence, et il n'y a qu'à la fin qu'on commence à l'apprécier un peu.
    Le mélange comédie/violence est certes bien dosé, mais as-tu ris un seul instant? Moi non...

    RépondreSupprimer
  4. ATTENTION SPOILERS GÉANTS :
    Je ne l'ai vu qu'une fois, il y a déjà un an et demie (damn! ) et j'avoue que le seul gag qui me revienne en mémoire comme m'ayant fait rire est le coup de la fausse banque de dépôt. Je n'avais pas vu le coup venir.
    Je n'ai, du reste, pas le souvenir que les dialogues soient si indigestes que ça.

    Pour le reste, peut-être avec le recul, que les passages légers ne sont pas de la comédie, ils seraient la démonstration du fait que Tim/Gemma (qui est en fait Billy Boy), par le côté plus ou moins loufoque de ses "combines à nanard", tente d'échapper à ses poursuivants. Je m'explique : en se comportant comme une sorte de vagabond qui vit d'arnaques minables (Tim), il cache d'autant mieux celui qu'il est réellement : un pistolero (Billy Boy).
    Voilà pour une explication scénaristique possible de cette dualité comédie/violence.

    Après, le comique est certes souvent au raz des pâquerettes, mais le film en reste appréciable, et tu le souligne justement : "Le tout n’est au demeurant pas si mauvais et reste tout à fait regardable, mais après une aussi prometteuse introduction, ça énerve grave le spectateur de bonne composition qui commençait à être bercé par la musique de Morricone et par la mortalité ambiante".
    L'explication de ta désillusion est là : tu t'attendais à un film violent, et le côté comédie t'a énervé parce qu'il était mauvais.
    Mais si tu avais su dès le début que le film mêlait les deux éléments, tu n'aurais sans doute pas été à ce point déçu. Cela ne sauve pas les gags navrant du navrant, mais au moins, tu n'aurais pas eu l'effet de surprise du passage (brusque) de l'un à l'autre. Ce qui change beaucoup de choses.

    Sartana

    RépondreSupprimer
  5. Ben non, j'avais lu les critiques sur Western movies et je savais que le film mélangeait violence et comique. C'est vraiment le coté trop appuyé du comique qui m'a dérangé en fait. Je m'attendais à une qualité de comique égale à la qualité de l'intro et ce n'est pas le cas.
    Mais bon, en effet ce n'est pas si mauvais et ça reste meilleur que bien des spagh.

    RépondreSupprimer
  6. Bon, je me lance aussi, quoique n'ayant pas encore vu celui-ci, j'imagine qu'il doit être assez proche des autres westerns tournés par Gemma au même moment. Je viens d'enchainer "Le dollar troué" et "Adios gringo" et ce sont des films, aussi agréables soient-ils, qui ressassent des formules sans le petit quelque chose que nous cherchons tous et qui permet aux meilleurs de ces films de décoller.
    Des duos, il y en a eu un paquet dans le western italien, presque tous sur le même modèle qui doit beaucoup à Laurel et Hardy. parfois, il y a une alchimie entre les acteurs qui fonctionne, le plus souvent, il y a un côté fabriqué, parfois bien fait, mais sans cette profondeur que l'on a chez Juan et Sean. J'imagine que c'est le cas ici.
    Ce qui me gêne avec un film comme "Ciel de plomb", c'est que maintenant que j'ai une petite expérience du genre, j'ai l'impression que je vais m'engager dans une histoire balisée, déjà vue. Je suis plus curieux de choses différentes, même si elles ne sont pas abouties. Mais je suis sûr que quand je serais décidé, je passerais un bon moment.

    RépondreSupprimer
  7. Et bien justement Vincent, ce film est assez différent des Dollar troué et autre Wanted. Je pense que tu peux voir Ciel de Plomb, parce qui si le duo est très balisé, les situations et le mélange violence/comique ne le sont pas. Le seul problème c'est que ce n'est pas très réussi, mais peut-être aimeras-tu ? Je ne suis pas déçu par ce film parce qu'il est conventionnel, car il ne l'est pas. Je suis justement déçu parce qu'il n'est pas conventionnel et que j'espérais mieux! Du coup je peux paraître un peu sévère au regard d'autres films plus conventionnels, mais c'est parce on n'attend rien de spécial de films conventionnels.

    RépondreSupprimer
  8. Il faudrait que je revoie le film, bien sûr, mais je sais que j'avais été déconcerté par ma première vision. Manque d'unité de ton au niveau dramatique, oui, mais ce ne devrait pas être un défaut. A la réflexion, le reproche que je fais, c'est qu'il n'y a pas de progression dramatique dans le déroulement : c'est une succession de saynètes à la mécanique un peu répétitive, et je ne me souviens pas avoir senti d'évolution dans les rapports entre Gemma et Adorf. Peut-être qu'il n'y a pas eu d'alchimie entre les deux acteurs, tout simplement.
    Plus généralement, je me pose des questions sur Petroni, qui a d'incontestables qualités de metteur en scène, dont les films ont disposé de moyens assez importants, et ont en outre tous les ingrédients pour me plaire, mais... la mayonnaise ne prend jamais tout à fait.
    Breccio

    RépondreSupprimer