dimanche 26 octobre 2008

Rue de la violence



Milano trema : la polizia vuole giustiza
Sergio Martino
1973
Avec : Luc Merenda, Richard Conte

Un petit Dirty Harry local infiltre la pègre pour venger son supérieur, qu’il aimait bien malgré que contrairement à lui, celui-ci était du genre à respecter la loi. Ce qu’il va découvrir au cours de son enquête n’est pas piqué des hannetons.

Le début comblera les amateurs : la musique est en effet signée des frères De Angelis, déjà responsables (coupables selon certains) de l’inimitable musique de Keoma. Des bandits s’évadent d’un train, ils ont des trognes de dogues et ils suent comme du jambon au mois d’août. On reconnaît Antonio Casale (photo à gauche) le sudiste au bandeau dans la diligence dans Le bon la brute et le truand, l’un des chasseurs de prime du Grand Duel, on est donc en terrain connu d’autant que ça canarde de partout, des pères de famille y passent, et leur progéniture itou quand elle ne veut pas cesser de brailler. Houu, c’est vicieux, c’est sale, ça grince, ça pue la mort. L’Italie des années de plomb ne respirait décidemment pas la joie de vivre. Après cette intro pour le moins crispante, le film prend un drôle de tour, plutôt ennuyant, il faut dire que Sergio Martino (réalisateur de Mannaja) prend son temps pour montrer l’infiltration lente et poisseuse du flic dans le milieu. On devrait être sans doute être ravi de voir un flic se comporter en crapule, en mac, en braqueur, mais ça ne fonctionne guère, la faute sans doute à un Luc Merenda pas mauvais mais au jeu assez insignifiant, voire ingrat. Puis après une ou deux courses poursuite bien faites mais qui font mal aux oreilles à cause des sirènes incessantes, l’intrigue prend un nouveau tour assez passionnant, genre politique dévoyée de voyous, coup d’état en devenir, corruption à tous les étages, tournicoti, tournicota. Le Dirty Harry milanais découvre que certains ont l’ambition de mettre en application ses méthodes à grande échelle, sans prendre de gants. Va-t-il rejoindre cet ordre facho-crapulo-secret, notre Luc Merenda national ? Si comme moi vous pensez que c’est sauvagement pompé sur Magnum Force (le deuxième opus réconciliateur des Dirty Harry) et bien comme moi vous vous trompez, Milano Trema étant sorti le 22 août 1973 en Italie et Magnum Force le 25 décembre 1973 aux Etats Unis. Pour le coup, ce coté un peu sombre et le caractère légèrement énigmatique du héros rachètent le film et viennent récompenser notre patience : le film est beaucoup plus "premier degré" que les autres films policiers de la collection "Italie à main armée" de Neo Publishing, et se prend assez au sérieux, comme pourra le faire par exemple I comme Icare de Verneuil quelques années plus tard. En tout cas, on ne regrette pas d’avoir suivi ce film jusqu’au bout, même si on s’ennuie un peu au milieu de certaines scènes réchauffées !

15 commentaires:

  1. Et t'as vu ce bandit barbu qui ressemble à Nanni Moretti ?

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  2. Sinon, l'interview de Martino en bonus est très instructive. Même pour un gatto qui a découvert son Italie ancestrale en 1973, en pleines années de plomb.
    Plus récent, Romanzo criminale est fort bien ficelé aussi bien qu'il aurait gagné à être raccourci d'un quart d'heure.

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  3. Non, je n'ai point fais attention au barbu qui ressemble à Nanni Moretti. Par contre j'ai vu Casino Royale (sans le son) par dessus l'épaule d'un mec dans le train, et il me semble avoir reconnu Sir Richard Branson (dans Casino Royale, pas dans le train). Et ce qui était rigolo, c'est qu'il y avait des gens qui jouaient au poker dans le train (si si), alors que Daniel Craig jouait au poker dans le film.

    Bon OK, on s'en fout...

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  4. Je rattrape mon retard sur les polars italiens de chez Neo et celui-ci est sacrément bien foutu. A noter que l'autre évadé suant sur la photo, c'est l'immence Luciano Rossi.
    Et, oui, gatto, j'ai remarqué le bandit barbu, mais parce qu'il ressemblait à un mien copain d'origine italienne. Marrant.
    Au fait, pour la poursuite en voiture, il paraît que c'est la même qui sert pour plusieurs films de cette série (avec le coup de la BMW blanche qui traverse le tas de cageots en feu). Petit budget, stock-shots -- vive le bis !
    Breccio

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  5. PS un google rapide et, oui, Richard Branson fait bien une apparition dans Casino Royale (une scène de fouille au portique dans un aéroport).
    Breccio

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  6. Pour la voiture, repassez-vous la scène de poursuite et vous vous rendrez compte que les bosses sur les ailes disparaissent puis réaparaissent mystérieusement entre les plans...
    Pour le bandit barbu, j'avais mis une photo là http://lubiesland.blogspot.com/2008/05/and-winner-is.html
    Mais non Tep', on s'en fout pas. C'est très intéressant. ;-D

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  7. Ah, ce film... C'est le premier que j'ai vu du genre, acheté il y a quelques années en Italie, au hasard. Je veux bien dire avec Breccio que c'est bien filmé, mais c'est épouvantablement écrit. La première scène aligne les clichés téléphonés : Merenda discute avec un des gardes de l'escorte des prisonniers, il est bien sûr père de trois enfants et à quinze jours de la retraite. Et bien sûr, il est affreusement descendu lors de l'évasion. Il y en a plein comme ça.
    Le pire, je crois, c'est Merenda, une seule expression crispée, brushing impeccable, il est viré de la police mais continue comme si de rien n'était. A la fin, il a le geste auguste à la Gary Cooper et jette son arme au loin. Dommage, tout le casting a passé l'arme à gauche, il ne reste plus personne à tuer. On pourrait aussi parler de la séquence avec les hippies (ahahah)ou de l'étrange conception que la police a de la sécurité des otages (dans la DS). ce film est grotesque, au sens fort du terme, grotesque comme peuvent l'être nombre des westerns italiens que nous aimons, mais je trouve que, dans un environnement "actuel" ça passe moins bien, surtout avec le message politique asséné sans nuance. "Romanzo Criminale", c'est autre chose !

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  8. Vincent, tu y as vu un film fasciste?

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  9. Tout de suite les grands mot :)
    Disons que "fasciste" en est un que je n'aime pas employer pour parler de cinéma. Il est clair que le polar italien de l'époque est nourri de l'ambiance des années de plomb et de la violence qui régnait alors. Ici je trouve que c'est sans nuance, souligné à gros traits. Tous les personnages sont des caricatures, ce que je comprends puisque nous sommes dans le cinéma d'exploitation. Mais bon, quand le bandit psychopathe tire dans le ventre de la femme enceinte, je trouve ça racoleur. Après, c'est plutôt amusant au second voire troisième degré.

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  10. Oui, mais comme tu le dis toi-même, ce racolage est le même que dans le western spaghetti. Alors pourquoi ce racolage dans une époque plus proche de la notre te gêne-t-il?

    Et justement, je trouve que l'implication politique de ce film est loin d'être caricaturale. Elle l'est aujourd'hui avec 30 ans d'écart. Tout comme le coup du flingue qui est un poncif mais qui ne l'était pas forcément à l'époque.
    C'est un peu comme si tu reprochais à Blondin d'être grossier quand il coupe la corde de Tuco où à Stumpy d'être un poncif, non?

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  11. J'imagine que la grosse différence, c'est l'unité de lieu et celle de temps. Rue de la violence est plus proche de nous que tous les westerns de l'histoire du cinéma. Enfin, personnellement, je n'ai jamais chevauché dans l'Ouest américain au XIXe siècle. En revanche, les années de plomb dans la botte...

    P.S. : z'avez vu cette belle et inutile manif en Italie ?

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  12. A verser au débat : la fiche du film sur l'excellent site italien consacré au genre :
    http://www.pollanetsquad.it/film.asp?PollNum=9
    Breccio

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  13. Je dirais que d'une part le western, comme le fantastique ou le giallo, est du registre de la fable. Il y a une distance qui permet de faire passer les choses, parfois graves et impliquées, dans une forme qui relève du divertissement. Le film noir est ancré dans le présent et il a un effet de réel qui, en ce qui me concerne, ne lui permet pas d'utiliser telles quelles les figures de la fable. On ne peut pas transposer les images du western italien qui relèvent souvent du fantasme dans un univers "réel". C'est comme Belmondo dans "Peur sur la ville", c'est amusant mais je ne marche pas, je trouve ça grotesque.
    Ce qui me gène dans le coup de flingue à la femme enceinte, c'est la façon dont Martino me force la main pour montrer combien le tueur est ignoble, je crois même qu'on le voit baver. Pour comparer, on est à mille lieues du jeune cinglé lors du hold-up de "La horde sauvage".
    Ce n'est pas tant le fond que je reproche, même si je n'adhère pas, que la forme en gros sabots. Chez Hawks, ce sont des ballerines, et Stumpy est tout sauf un poncif, même s'il est devenu un archétype (et qu'il est à la base composé à partir de figures classiques du genre).

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  14. Vincent, tu amorces là un débat passionnant. Je pense que c'est une question de perception personnelle. A mes yeux, la distance avec l'Italie des années 70 est suffisante pour que le film relève de la fable -- mais c'est peut-être parce que je le découvre maintenant et non à l'époque.
    Par ailleurs, je me passionne tellement pour le cinéma de ce contexte que je ne vois que des acteurs et non des personnages.
    Breccio

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  15. Je suis un peu de l'avis de Breccio. Même si je sais qu'il y a un fond social authentique sur lequel le film s'appuie, je ne vois là qu'un film de genre et je le prends comme tel.

    Mais j'imagine que c'est chacun ses limites. Le Pacte des loups par exemple, passe très bien pour moi, mais imaginons que Christophe Gans fasse un nouveau film sur la Résistance avec Jean Moulin qui se bat au sabre contre Himmler armé d'une arbalète, là ça ne passera plus...

    Encore que ... :-)

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