samedi 3 juillet 2010

La vengeance aux deux visages



1961
One-Eyed Jacks
Marlon Brando
Avec: Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Pina Pellicer, Ben Johnson, Slim Pickens




Lenteur, violence rare mais brutale, chaleur, haine rentrée en dedans, anti-héros, vestimentation étudiée (Rio, joué par Marlon Brando a même un poncho), décors inhabituels (la mer), cruauté (séance de fouet, main broyée), intrigue légèrement œdipienne sur les bords (le héros fait un gosse à la fille adoptive de son père spirituel), La vengeance aux deux visages est un film ambitieux et réussi qui montre bien que le western américain était déjà en pleine mue dès le début des années soixante, sans avoir attendu Leone en 1964 pour le faire. Les rapports entre les hommes sont presque tous sur le mode de la confrontation, même entre complices. C'est parfois un peu longuet, mais cela reste toujours un excellent jeu, jeu du chat et de la souris des deux principaux protagonistes du film d’abord, jeu avec les conventions du western ensuite, jeu admirable des acteurs ensuite : Marlon Brando et ses murmures bien sûr, mais aussi Ben Johnson en crapule, Pina Pellicer en jeune fille en fleur, Katy Jurado en mama digne et inquiète, et bien sûr le veule arriviste Karl Malden, sans oublier le dégoûtant Slim Pickens et sa mâchoire protubérante, ni même Larry Duran, le mexicain, seul ami de Rio, qui se fait traîter de greaser avant d'être abattu.
Ces gueules, ces attitudes, ces carcans de société et cette fameuse scène de séduction sur la plage, suivie par la trahison du lendemain matin qui font vraiment très peu western (que ce soit par le thème, le traitement ou les costumes : montrez à quelqu'un un des gros plans de Brando issus de cette scène, il sera sans doute incapable de dire que cela provient d'un western: pas de chapeau, pas de foulard, une chemise limite contemporaine, une attitude de désœuvré...) évoquent plutôt les mauvais garçons des années 60 et le thème du jeune rebelle qui s'écarte de la société que le mythe de la frontière ou la thématique de la revanche libératrice. Quant à la situation de la jeune fille, sa culpabilité au sein de la famille, le poids de son acte, il s'inscrit également dans ce carcan de ces mêmes années qui commençait alors à se fissurer.
On peut alors se demander jusqu'à quel point Brando était intéressé par tourner un western et ce qu'il avait en tête en commençant le projet, sachant que le film fut d’abord scénarisé par Sam Peckinpah (alors plutôt inconnu) et prévu pour Stanley Kubrick (qui aurait d’ailleurs réalisé le début). La vengeance aux deux visages demeurera par ailleurs le seul film de Brando en tant que réalisateur. Ces conditions un brin chaotique et l’inexpérience de l’acteur en tant que réalisateur se ressentent à la vision du film, mais il n’empêche que ce que Brando y a apporté d’original en font un western à part, un brin atypique, et naturellement indispensable.


Où le voir : en 1988, Marlon Brando, oublia la demande de renouvellement du copyright auprès de la Bibliothèque du Congrès, faisant ainsi tomber le film dans le domaine public. De ce fait, toutes les éditions DVD disponibles sont très peu chères et toutes pourries. C’est dommage, mais il n’y a que ça à se mettre sous la main.











4 commentaires:

  1. Quelque chose que je trouve très beau dedans : toutes les scènes de bord de mer. C'est un décor qu'on ne voit pas souvent dans le western, ça change complètement le rapport à la ligne d'horizon, la frontière qui doit toujours être repoussée.

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  2. J'ai cru voir la mer aussi du côté de l'homme des hautes plaines, si j'ai bonne mémoire.

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  3. Il me semble que c'est plutôt un lac. Par contre, on voit bien la mer dans Un colt pour trois salopards

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  4. Mais dans Un colt pour trois salopards, la mer, c'est voulu. Je trouve même que ç'a un côté fin de La Planète des singes, genre postapocalyptique et petit scarabée mélangés.
    Et puis, la mer et Raquel Welsh, que demander de plus, hein ?

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