True Grit
True Grit
2010
Joel et Ethan Coen
Avec : Jeff Bridges, Haile Steifeld, Matt Damon, Josh Brolin
Le film s’appelle True Grit parce que dans la France des années 2000, c’est la classe de laisser les titres en anglais. Son premake s’appelait Cent dollars pour un Shérif parce que dans la France des années 70 c’était encore vendeur de mettre le mot dollar dans les titres de western. Je n’ai pas beaucoup de respect pour les marketeux.
Je n’ai pas voulu revoir le John Wayne dont tout ce qui me reste est la fosse aux serpents à sonnette. Le souvenir reste traumatisant et je ne veux pas l’effacer en remarquant la faiblesse des effets spéciaux. On critique souvent la facilité du remake, on le dénigre presque toujours, pourtant, le principal intérêt du remake est de retrouver une forme d’oralité aux histoires cinématographiques. Comme la mort des parents de Bruce Wayne, racontée dans tous les sens et avec toutes les variantes par des générations d’auteurs, le remake participe à la construction des mythes. King Kong serait-il un mythe sans ses remakes ? Ben Hur serait-il connu sans son remake (il faudrait d’ailleurs suggérer à Ridley Scott de mettre en chantier un remake de ce film avec Russel Crowe, beaucoup de jeunes ne connaissent pas Ben Hur)
On n’en est bien sûr pas là avec True Grit. Mais quand la fosse aux serpents arrive, une vieille angoisse ressurgit, on se crispe sans le vouloir, ce n’est pas la même chose, et pourtant cela participe de la même dynamique. D’autres scènes font écho, il y a comme un air de déjà vu, et pourtant on est sûr de n’avoir jamais vu le film. L’histoire est racontée par d’autres trouvères, la tradition orale se perpétue, les deux films tomberont peut-être dans l’oubli, mais pas l’histoire, pas les serpents. Pas encore en tout cas.
L’un des plaisirs de ce remake est de savourer l’histoire justement sans cette vieille carne de John Wayne et son encombrante légende. Jeff Bridges ne peut pas comme John Wayne tourner dix films de fin de carrière qui n’ont d’autre but que de glorifier son propre vieillissement sous couvert d’ironie mordante. Et c’est tant mieux, on ne regarde plus un John Wayne, mais un film où chaque personnage peut se révéler. La gamine Haile Steifeld est époustouflante dans son assurance et j’adore le final qui révèle que toute cette intelligence et cette maturité ne produira finalement qu’une vieille fille un peu coincée. Jeff Bridges est parfait en vieux routier de l’ouest aux bredouillages incompréhensibles. Je suis plus réservé sur Matt Damon qui semble un peu trop occupé à écorner son image, mais ce n’est pas grave. Le film est bon, les Coen ont cherché à faire un western sans faire du Coen. On peut le déplorer, pour une fois, ce n’est pas l’histoire de loosers pathétiques qui font n’importe quoi. Pour une fois les personnages sont ce qu’ils prétendent être, les Coen font du vrai western, sans ironie destructrice, sans démystification à outrance, sans légende qu’on imprime à la place de la vérité. Un Marshall seul peut-il charger quatre méchants à cheval et gagner à la fin ? Oui, mille fois oui, et il dégomme les rattle snakes en rappel juste après !! Un Texas Ranger peut-il tuer un homme à quatre cent mètres avec sa carabine Sharp ? Putain que oui ! Un héros peut-il galoper jour et nuit pour sauver une fillette, bien sûr que oui, et ce soir là, les étoiles sont comme il se doit superbes ! Tout le reste, tous les tirs ratés, l’ivrognerie, les bavardages, le procès, veulent faire croire à un western post-moderne de plus, mais non, les frères Coen voulaient faire un western, et ils en ont fait un, rien de moins, rien de plus, allant jusqu’à évacuer toute ambiguïté sexuelle (aucun des personnages, pas même parmi les méchants, ne semble intéressé par la jeune fille sur ce plan là, ce qui se révèle finalement plus troublant que l’inverse venant d’un film moderne que l’on attendait un peu plus rough que cela) pour inscrire leur œuvre dans le classicisme du genre. Un bon western au cinéma, ne vous privez pas !
2010
Joel et Ethan Coen
Avec : Jeff Bridges, Haile Steifeld, Matt Damon, Josh Brolin
Le film s’appelle True Grit parce que dans la France des années 2000, c’est la classe de laisser les titres en anglais. Son premake s’appelait Cent dollars pour un Shérif parce que dans la France des années 70 c’était encore vendeur de mettre le mot dollar dans les titres de western. Je n’ai pas beaucoup de respect pour les marketeux.
Je n’ai pas voulu revoir le John Wayne dont tout ce qui me reste est la fosse aux serpents à sonnette. Le souvenir reste traumatisant et je ne veux pas l’effacer en remarquant la faiblesse des effets spéciaux. On critique souvent la facilité du remake, on le dénigre presque toujours, pourtant, le principal intérêt du remake est de retrouver une forme d’oralité aux histoires cinématographiques. Comme la mort des parents de Bruce Wayne, racontée dans tous les sens et avec toutes les variantes par des générations d’auteurs, le remake participe à la construction des mythes. King Kong serait-il un mythe sans ses remakes ? Ben Hur serait-il connu sans son remake (il faudrait d’ailleurs suggérer à Ridley Scott de mettre en chantier un remake de ce film avec Russel Crowe, beaucoup de jeunes ne connaissent pas Ben Hur)
On n’en est bien sûr pas là avec True Grit. Mais quand la fosse aux serpents arrive, une vieille angoisse ressurgit, on se crispe sans le vouloir, ce n’est pas la même chose, et pourtant cela participe de la même dynamique. D’autres scènes font écho, il y a comme un air de déjà vu, et pourtant on est sûr de n’avoir jamais vu le film. L’histoire est racontée par d’autres trouvères, la tradition orale se perpétue, les deux films tomberont peut-être dans l’oubli, mais pas l’histoire, pas les serpents. Pas encore en tout cas.
L’un des plaisirs de ce remake est de savourer l’histoire justement sans cette vieille carne de John Wayne et son encombrante légende. Jeff Bridges ne peut pas comme John Wayne tourner dix films de fin de carrière qui n’ont d’autre but que de glorifier son propre vieillissement sous couvert d’ironie mordante. Et c’est tant mieux, on ne regarde plus un John Wayne, mais un film où chaque personnage peut se révéler. La gamine Haile Steifeld est époustouflante dans son assurance et j’adore le final qui révèle que toute cette intelligence et cette maturité ne produira finalement qu’une vieille fille un peu coincée. Jeff Bridges est parfait en vieux routier de l’ouest aux bredouillages incompréhensibles. Je suis plus réservé sur Matt Damon qui semble un peu trop occupé à écorner son image, mais ce n’est pas grave. Le film est bon, les Coen ont cherché à faire un western sans faire du Coen. On peut le déplorer, pour une fois, ce n’est pas l’histoire de loosers pathétiques qui font n’importe quoi. Pour une fois les personnages sont ce qu’ils prétendent être, les Coen font du vrai western, sans ironie destructrice, sans démystification à outrance, sans légende qu’on imprime à la place de la vérité. Un Marshall seul peut-il charger quatre méchants à cheval et gagner à la fin ? Oui, mille fois oui, et il dégomme les rattle snakes en rappel juste après !! Un Texas Ranger peut-il tuer un homme à quatre cent mètres avec sa carabine Sharp ? Putain que oui ! Un héros peut-il galoper jour et nuit pour sauver une fillette, bien sûr que oui, et ce soir là, les étoiles sont comme il se doit superbes ! Tout le reste, tous les tirs ratés, l’ivrognerie, les bavardages, le procès, veulent faire croire à un western post-moderne de plus, mais non, les frères Coen voulaient faire un western, et ils en ont fait un, rien de moins, rien de plus, allant jusqu’à évacuer toute ambiguïté sexuelle (aucun des personnages, pas même parmi les méchants, ne semble intéressé par la jeune fille sur ce plan là, ce qui se révèle finalement plus troublant que l’inverse venant d’un film moderne que l’on attendait un peu plus rough que cela) pour inscrire leur œuvre dans le classicisme du genre. Un bon western au cinéma, ne vous privez pas !
Je ne sais toujours pas si avoir revu le Hathaway était une chose à faire ou pas mais je me suis assez étendu sur le sujet comme cela. Ceci dit, le serpent à sonnette chez lui est un vrai et tout se joue au montage, alors que les reptiles des Coen me semblent bien numériques. J'ai du mal à m'y faire.
RépondreSupprimerSur le remake, j'ai plutôt une opinion opposée, même sil y a de brillantes exceptions. Ton idée de l'oralité est belle, mais le cinéma peut être poussé à un certain niveau de perfection qui rend pour moi l'idée de le "refaire" vaine. Est-ce que l'on fait des remake des grands romans ? Le risque c'est aussi que les nouvelles versions enterrent les précédentes, non pour des motifs artistiques mais purement économiques. C'était la politique des studios américains, et je pense que ça l'est encore (King Kong, le seul et unique de 1933 est resté 20 ans invisible). Leur fonctionnement est trop dicté par des impératifs de droits, de marketinge etc. pour que je ne m'inquiète pas quand ils annoncent qu'ils vont ripoliner les films que j'aime.
Sur le reste je suis en fait d'accord avec toi, même si j'arrive à une conclusion différente. Peut être que cette contradiction se résout dans ta dernière phrase. Un western en 2011, quand c'est l'unique western de l'année, peut il être un simple bon film ?
Bon papier. Donne envie de revoir le True Grit 2011. Parce que j'ai comme l'impression d'avoir raté quelque chose.
RépondreSupprimerQuant aux rattlesnakes, jamais ce ne me sera aussi traumatisant que dans Le Reptile (There was a crooked man), de Mankiewicz.
Je n'avais pas revu l'original, mais j'avais lu le roman avant de voir la version des Coen. Big Mistake!
RépondreSupprimerhttp://www.sartana-cinematador.com/2011/03/true-grit-les-freres-coen-2011.html
J'ai l'impression qu'il fallait totalement effacer le Wayne pour aborder la version des Coen puisque ces derniers disent s'être basés sur le roman.
RépondreSupprimerMême si je ne pense pas que post-moderne veuille dire grand chose pour ce film, je ne trouve pas non plus que les Coen aient fait un simple western ("rien de moins, rien de plus"). Il me semble au contraire que le mythe du grand ouest est largement dépassé.
Le film porte sur une période de transition et la modernisation de la civilisation (le poids gagnée par la parole sur les coups de feu). Par la dernière chevauchée (les Coen nous parle alors des représentations que l'on fabrique du western), le film s'élève et lie le genre au rêve plutôt qu'au mythe.
poids gagné / parlent
RépondreSupprimerje me corrige c'est important :p
Sauf qu'il y a longtemps que le mythe du grand ouest a été largement dépassé par à peu près tous les westerns depuis les années 70. Donc quand les frères Coen écornent le mythe, ils ne font que faire ce que l'on attend d'eux. Par contre, quand ils montrent le Marshall avoir assez de cran pour charger quatre bandits, et quand ils montrent le texas ranger faire mouche à 400 pas, ils font le contraire: ils reforment le mythe. Après c'est vrai que la chevauchée finale est plus onirique que véritablement épique.
RépondreSupprimerTu la trouves coince toi cette manchote capable de recadrer deux vieux potes à Quantrill, pas moi ! Bien sûr, c’est pas une grognita des temps modernes si c’est ce que tu veux dire…
RépondreSupprimerFlingo
Pourquoi tu parles de trouvères ? C’est un truc trop européen et médiéval, c’est pas pertinent pour causer western. A moins que tu ne fasses allusion au fameux "trou vert reverdit" (bien connu des mélomanes et des lecteurs de Tillieux). Non, dans le cas présent, c’est à Ned Buntline et au genre dime novel qu’il faut renvoyer…
RépondreSupprimerFlingo
Elle n'a pas perdu son assurance, mais ouais elle est coince. Pour les trouvères, t'as raison ça colle pas.
RépondreSupprimerBonjour tepapa, ce film fut pour moi une bonne surprise. Les acteurs sont épatants, Jeff Bridges en tête. Et oui, il n'y aucune connotation sexuelle particulière, il faut dire que la jeune fille est vraiment jeune. On serait tombé dans le détournement de mineure. Bonne après-midi.
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