vendredi 20 mai 2011

Rio Conchos

Gordon Douglas
1964
Avec: Richard Boone, Stuart Whitman, Jim Brown, Edmond O'Brien, Anthony Franciosa




Je voulais voir Rio Conchos depuis longtemps, depuis que j’avais lu dans le guide des films de Jean Tulard une phrase qui, à propos de Pour une poignée de dollars, disait à peu près ceci : «La même année sortait Rio Conchos, et personne ne cria au génie, allez comprendre… ». Ah ça, ça vous pose un film, hein ? J’imagine le petit rédacteur allergique au spagh, obligé de pondre une notule de trois lignes sur Pour Une poignée de dollars, et qui se dit, voyons, qu’est ce qui est sorti en 1964 comme western américain et qui vaut à peu près le coup ?
Rio Conchos, de Gordon Douglas donc. On connait Gordon Douglas pour son film de petites bêtes qui deviennent grosses (Them !) et pour son remake de Stagecoach (La diligence vers l’Ouest) qui tient le coup mais sans plus. Mais ses autres westerns (Le trésor des sept collines, la charge sur la rivière rouge, Chuka le redoutable…) nous sont inconnus (ouais, quand on veut faire sérieux, on dit « nous » au lieu de « je ». Bon sur un blog, c’est point grave, mais si vous voulez écrire un bouquin, mettez « nous », genre on est toute une bande de spécialistes aguerris à plancher sur le western, même si vous êtes tout seul à suer pour recouper vos fiches et vos DVD…), mais il paraît que Gordon Douglas est un artisan talentueux et que Rio Conchos est son meilleur film. Alors commençons par celui-là. En tout cas, tout comme Major Dundee tourné la même année (avec lequel il partage cette trame du périple qui part en couilles), il est la preuve que le western américain avait commencé sa mutation bien avant l’arrivée de la déferlante spagh, histoire de contrer une idée reçue selon laquelle le spagh aurait forcé le western américain à évoluer. (Mais qui se soucie encore de ces fadaises de nos jours ? Les nouveaux venus qui tombent dans le western consomment tout ce qu’ils trouvent avec le même bonheur, et c’est tant mieux.). Personnages non schématiques, torturés, violence fréquente, sauvagerie, l’Ouest et son mythe en prennent déjà pour leur grade en 1964. Tom Mix et Buck Jones sont déjà partis loin, et on ne les reverra plus jamais, car cela fait cinquante ans maintenant qu’à chaque fois qu’un western sort, on affirme haut et fort qu’il déboulonne le mythe de l’Ouest sauvage ! Coños, l’Ouest démystifié avec sa sueur et sa poudre est devenu un mythe à lui tout seul.



Dans Rio Conchos, les personnages sont cyniques (en particulier Richard Boone), ils ont la trahison facile et la gâchette ou le couteau chatouilleux. Même Stuart Whitman, le fadasse bellâtre des Comancheros, compose ici un militaire dont la mauvaise conscience lui file des aigreurs d’estomac. Et comme c’est un nordiste, on lui colle un sergent noir (l’athlétique Jim Brown dans son premier rôle) dans les pattes. Le quatrième larron est le latino Anthony Franciosa à l’irritante séduction, mais qui a le bon goût comme le dit Bertrand Tavernier dans le bonus du DVD d’échapper au stéréotype du greaser. Le casting est complété par l’incroyable Edmond O’Brien en gradé sudiste qui comme il se doit refuse la fin de la guerre, pète un câble, est atteint de la folie des grandeurs et agit comme un exalté. Le scénario est tout bonnement excellent et imprévisible. Même si le canevas de base (une mission pour récupérer un chargement d’armes) est tout ce qu’il y a de plus banal, on parvient rarement à deviner ce qui va se passer ensuite jusqu’au baroque finale.
Bien sûr, à cause de Tulard, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer Rio Conchos à Pour une poignée de dollars. Ce film, aussi visuellement intéressant et ambitieux qu’il soit, peut-il être à la hauteur de la claque du maestro italien ? Pour moi, la réponse est non, mais je n’ai pas pu m’empêcher de noter une foultitude de détails qui plairont aux accros du spagh. En premier lieu la belle musique de Jerry Goldsmith qui préfigure les chtouigs Morriconiens. Ensuite cette scène inaugurale, où la vue en plongée sur Richard Boone sous son chapeau qui décanille des indiens évoque… Django. Sans parler de la violence qui ne fait pas dans la dentelle, de la sueur palpable, des esprits torturés, tout cela montre à nouveau que le western transalpin n’a rien inventé, mais plutôt catalysé une évolution en marche. Et d’ailleurs, prochainement si tout va bien, je vous causerai de Barquero.

12 commentaires:

  1. En ce qui nous (euh... "me"...) concerne, l'essentiel du western européen est déjà dans "Coups de feu dans la Sierra"... Et "Rio Conchos" est en effet une belle occasion de remettre les pendules à l'heure...

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  2. Tu sais fiston c'est pas grave de se gourer, ce qu'il faut c'est savoir le reconnaître ! :)
    A propos du hara puissant du Duke, j'ai laissé une note sur mon blog qui devrait t'interpeller au niveau du PQ comme on dit lorsqu'on va aux toilettes !

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  3. C'est bien dans Rio Lobo que le Duke est "confortable". T'as qu'à le revoir, ça te fera pas de mal, toi qui aime les gros bides.
    Quant au dialogue rapporté par Vincent, il ne signifie absolument pas que le Duke est confortable. En effet, "to make someone comfortable" veut dire "faire en sorte qu'il se sente bien, qu'il soit à l'aise", ce qui est donc carrément un contresens de la part de Vincent.
    Putain t'es chiant quand tu t'y mets!

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  4. Perso, à 60 balais et mèche, je suis resté mince et tout en muscle, parce que je m’entretiens, je suis pas scotché jour et nuit à mon ordi et je sais arrêter les canettes si nécessaire. Alors rien à foutre des gros bides ! C’est toi la tarlouze refoulée qui fait une fixette sur la panse des hommes d’élite !
    Non seulement tu t’accroches de manière pathétique à tes erreurs (qui n’ont pas d’importance au fond dans un domaine aussi futile que celui de la cinéphilie), mais tu abordes toujours les choses sous leur aspect le moins intéressant : le Duke a un gros bide, Mattie Ross est coince et ainsi de suite. Moi j’aimerais trouver chez mes contemporains ne serait-ce qu’un tout petit peu des qualités et des vertus de ces deux-là !
    Flingo

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  5. Ah oui, et puis le Vincent qui a voulu faire le malin en nous mettant des dialogues en langue étrangère (que Tepepa a mis trois jours à comprendre !) est bien entendu à côté de la plaque, j’avais pas remarqué sur le coup. Il n’y a pas Mitchum dans la scène d’El Dorado dont je cause, juste Wayne et mademoiselle Carey qui viennent de bivouaquer près d’une rivière, et c’est là qu’elle lui dit qu’il est confortable parce que, pour des raisons pratiques, il leur a fallu dormir côte à côte. Si quelqu’un dans l’assistance publique voulait bien revoir le film et confirmer cela à notre pauvre ami Tepepa…
    Flingo

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  6. Ça serait effectivement bien pour l'histoire que quelqu'un nous ressorte la scène originale. j'ai le DVD mais j'ai aussi la flemme.
    Tep', ce n'est pas un contresens, juste la citation exacte en VO, c'est peut être un contresens dans la traduction, mais je n'irais pas plus loin parce que cela fait belle lurette que je ne regarde plus les films en VF sauf avec ma fille encore incapable de lire les sous-titres, et je ne lui ai pas fait voir "El Dorado".
    Donc il est peut être question de confortable dans la VF de "El Dorado" mais quoiqu'il en soit, il n'a rien à voir avec celui de "Rio Lobo".
    C'est un échange passionnant :)

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  7. Perso je trouve que ce jeu un peu vain, de savoir "qui influence qui" à partir de telle ou telle date...
    Il faut sortir des clichés en effet; il n'y a pas que Peckinpah !
    il y a encore durant toutes les années 60 des westerns US de tout premier plan qui ne doivent rien à l'influence spaghetti (Hombre,7 secondes en enfer, l'homme sauvage, etc...)!
    le spagh qui déteint sur les USA c'est à relativiser et à mon avis ça vient plus tard.
    Old Timer

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  8. Bonjour à tous,
    en fait, pour l'avoir revu tout récemment, j'ai relevé trois fois le mot "comfortable" dans les dialogues d'El Dorado.
    - Juste avant la fabuleuse marche arrière déjà évoquée, lorsque Kevin Mc Donald (R.G. Armstrong) fait face à Cole Thorton. Il lui dit " Get off tour horse and get comfortable" ;
    - Lorsque Cole Thorton se fait soigner par Maud (Charlene Holt) suite au coup de sang (et de feu) reçu de Joey (Michele Carey). Là elle dit "He can stay here. I'll make him comfortable" (relaté précédemment par Vincent) ;
    - Et enfin lorsque Mississippi (James Caan) maîtrise Joey en se mettant à califourchon sur elle dans l'écurie. Elle lui demande s'il compte rester longtemps sur son estomac, et il lui répond "Well, I'm, uh, comfortable". Le Duke ne figure pas dans cette scène.

    Sinon, Tepepa félicitation pour tous tes autres propos également hein ! Il est vraiment chouette ton blog.
    Yosemite.

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  9. Ah ben c'est gentil de relancer cette formidable discussion.
    Donc si je résume:
    - Le Duke se fait traiter de "confortable" dans Rio Lobo en VF. J'en suis sûr et une simple recherche google le confirme.
    - Il y a trois occurences du mot "comfortable" en VO dans El Dorado, aucune qui ne corresponde à la situation décrite.

    J'attends donc, pour clore cette discussion:
    - que quelqu'un confirme ici que dans Rio Lobo le Duke se fait traiter de "confortable" par une nana qui vient de passer la nuit à coté de lui. On en est sûr mais avec Flingobis il faut répéter les choses plusieurs fois :-)
    - que quelqu'un regarde El Dorado en VF et nous dise si la même vanne est utilisée en version française.

    Ce journalisme d'investigation est passionnant.

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  10. Dans Rio Lobo en VF et aussi en VO. Et le sous-titrage (fidèle en l'occurrence) en atteste.

    Visible sur WesternMovies à cette adresse : http://forum.westernmovies.fr/viewtopic.php?f=10&t=996&hilit=confortable&start=75

    Pour ma part, je considère donc que le sujet est clos mais je suis ravi d'y avoir apporté ma modeste contribution !
    :-)

    Yosemite.

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  11. C'est pas Katharine Hepburn qui dit au Duke qu'il est "confortable" dans Une bible et un fusil ?

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  12. Me revoilou... bonjour,
    Dans "Une bible et un fusil", il y a une scène où Le Duke dépose son lasso sur le sol, aux côtés de K. Hepburn qui s'apprête à s'endormir.
    Il lui explique que cela forme une sorte de barrière protectrice et ajoute :
    - "I ain't gonna say it's true or it ain't true. But it's comfortin'." (Je n'en sais rien, mais c'est une idée rassurante).

    Yosemite.

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