lundi 9 juillet 2007

Johnny Hamlet


Quella porca storia nel West
1968
Enzo G. Castellari

Avec: Andrea Giordana, Horst Frank

Affublé d’un titre français stupide (Django porte sa croix), orné d’un titre italien moins stupide mais guère flamboyant (Quella porca storia nel West), le film qui nous occupe aujourd’hui serait le mieux représenté par son titre anglo-saxon : Johnny Hamlet selon les fans. Car c’est bien de Shakespeare qu’il s’agit en premier lieu, une adaptation du Hamlet du plus célèbre écrivain anglais après Agatha Christie. Bien sûr au sens large, tout western spaghetti qui conte une histoire de famille se terminant dans un bain de sang peut être vu comme un pièce shakepearienne, mais ici, c’est bien une adaptation quasi littérale de la fameuse pièce dont il s’agirait. Et oui car votre serviteur a lu Hamlet fut un temps, je sais donc (presque) de quoi je parle, mais force est de constater que peu d’éléments mon rappelé le Hamlet que j’ai lu autrefois, si ce n’est – effectivement – que tout le monde meurt à la fin.

Alors on ne va pas s’y attarder outre mesure, pour se pencher sur ce qui est normalement un gage de qualité minimale dans le microcosme spaghettien : le nom de Castellari à la réalisation et celui de Sergio Corbucci au scénario. Les belles images, les trouvailles visuelles de l’un au service des héros meurtris pétris de démesure baroque de l’autre. Et pour le coup ça y va fort, de ce prologue étrange sur la plage au milieu d’une troupe de théâtre au cimetière situé dans des grottes en passant par une crucifixion (typique de l’Ouest américain n’est ce pas), on sent la volonté farouche de l’équipe de vouloir coller au plus loin des mythes de l’ouest américain. Oserais-je le dire ? Nous sommes ici tellement loin de l’univers du western que ce film en devient une curiosité à voir absolument : lorsque notre héros rencontre sa belle dans un moulin à eau en belles pierres entouré de verdure chatoyante, on rigole. On est plus près d’un héros romantique du XIXe siècle que d’un garçon vacher sentant la sueur, surtout que –Shakespeare oblige – c’est d’un héros somme toute assez bavard qu’il s’agit.

Mais il faudrait plus que ce genre de peccadilles innocentes pour rebuter le spectateur averti. Car plus ce spectateur averti avance dans le film, plus il se trouve inexorablement frappé par ce qui fait le charme extraordinaire de ce Johnny Hamlet : le premier degré de l’histoire, ce coté absolument noir, désespéré et tragique qui trouve son point culminant dans le personnage de la mère qui rampe mourante vers son fils crucifié. Il y a bien deux branquignols qui tentent d’apporter un peu de légèreté à l’intrigue en se faisant chatouiller le menton deux ou trois fois de suite par Hamlet et son pote Horace, mais pour le reste, c’est une sale histoire de vengeance qui nous remet finalement bien sur les rails du western spaghetti, porté comme d’habitude par une musique entraînante, des bastons qui déménagent tout sur leur passage, des héros torturés qui n’aiment pas voir leur mère fricoter avec le frère de leur père mort, surtout si l’oncle en question est joué par Horst Frank, un tas d’or qui a disparu et que certains aimeraient bien retrouver, des lieux fantômes et qui suintent la mort. On est en terrain connu, l’attrait de l’or qui s’envole au vent, l’attrait pour les armes scintillantes, la femme éternelle victime, et la vengeance pour raison de vivre.

Tout ça c’est déjà pas mal.

Mais voilà, non seulement la réalisation est à la hauteur dans le sens où elle est parfaitement fluide dans sa façon de suivre linéairement un scénario plus complexe qu’il n’y paraît, et c’est un vrai plaisir de voir les éléments de l’intrigue prendre sens les uns après les autres au fur et à mesure que notre héros mène sa petite enquête, mais en outre, Castellari soigne ses images et ses cadres au point qu’on se croirait parfois, disons le tout net, dans un Sergio Leone. Breccio a remarqué ce mouvement circulaire autour de Andrea Giordana dans le cimetière (son excellente critique ici), moi c’est la séquence où les mexicains surveillent de loin la progression du héros qui m’a épaté, avec un mouvement de caméra surprenant qui suit l’un d’eux dans un boyau rocheux pour finalement mettre en joue - au détour d’un roc – notre héros que la caméra avait pourtant quitté quelques secondes auparavant (bon c’est pas un plan séquence, mais l’effet est réussi !). Le film a les moyens de ses ambitions comme on dit souvent, c’est donc un vrai plaisir pour l’amateur.

Vous l’aurez compris, Breccio vous a dit d’aller y voir de plus près, Tepepa vous le redit, même si les puristes du western américain risquent d’être choqués par le moulin, le cimetière dans les grottes et le fait que rien ou presque ne rattache ce film au monde du western traditionnel, et même si on aurait aimé un acteur plus charismatique pour interpréter le Hamlet.

Comment puis-je y aller voir de plus près ?
Un membre du forum western movies m’a prêté son DVD allemand Koch Media, d’excellente qualité. Il faut savoir lire l’anglais, mais il n’y a pas à le regretter !

Messieurs les éditeurs français, je suis las de vous attendre. Il paraîtrait que Sartana, Colorado et Le temps du Massacre sortiront prochainement dans nos riantes contrées. Prions pour que cela soit vrai, car les amateurs savent quels sont les films à voir, et surtout ils ne vous attendent pas pour les voir ! J’ai bigrement envie de voir les mythiques Sartana et si cette rumeur est un pétard mouillé, je ne vous attendrai plus. En ce qui concerne Colorado et Le Temps du Massacre je les ai déjà vu, mais dans de mauvaises conditions, donc je vous les achèterai peut-être. Mais si un jour vous sortez ce Johnny Hamlet, je ne l’achèterai pas uniquement pour le plaisir de le revoir en VF, tout comme je n’ai finalement pas racheté Mannaja rien que pour la VF ! Tout comme je n’achèterai pas ce Saludos Hombre parce que je l’ai déjà enregistré sur TPS, mais surtout parce qu’il est accompagné d’un bouquin que j’ai déjà eu avec Le Dernier Face à Face !

A vous de jouer donc, mais jouez bien et vite !

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