Te Deum
Encore des fayots, encore des baffes, encore des rots…
Enzo G. Castellari
1972
Avec : Jack Palance, Timothy Brent
C’est une histoire d’escrocs, de mine d’or, de baffes, de fayots, de crasse… Te Deum est un de ces westerns fayots qui cherchent à récupérer l’engouement exceptionnel suscité à l’époque par les Trinita. Voici le film en questions :
Oui, car contrairement à certaines sous comédies comme Les ravageurs de l’ouest, on a ici un vrai réalisateur dont on reconnaît d’ailleurs le goût pour certains mouvements de caméra assez sophistiqués. Le résultat est donc un film qui se suit sans grincements de dents, d’autant que le film n’est pas complètement fauché. Mais malheureusement, si la facture est aussi bonne que les Trinita, les gags sentent le déjà-vu, et il faut bien rendre à césar ce qui appartient à César : une copie est toujours moins bonne que l’original. Les fayots réchauffés, ça finit par devenir indigeste.
Cela doit dépendre de votre inclination pour le genre tout d’abord, et de votre indulgence ensuite. Comme pour On m’appelle Providence, le rythme a pris un coup de vieux, certains effets sont trop appuyés, certains gags sont consternants et nuisent au déroulement narratif. D’autres gags sont étonnants et inattendus, et il y a une bonne humeur générale assez communicative, beaucoup de dégâts, de courses poursuites, des gags à la Tex Avery, et surtout, Dieu merci, aucune mort violente. Soit vous êtes sous influence, et vous pardonnez les gags poussifs, les bagarres trop longues, les répliques stupides, soit vous êtes en forme et je vous conseille d’altérer votre état mental d’une façon ou d’une autre avant de voir le film.
L’athlétique Timothy Brent peine à remporter l’adhésion. C’est lui le héros, mais il est loin d’avoir la nonchalance et la beauté magnétique paresseuse de Terence Hill. La vraie star de Te Deum, c’est Jack Palance, complètement frappadingue en faux moine escroc qui distribue des images pieuses à ses victimes. Ses mimiques, sa répartie et son entrain suffisent à provoquer le rire. Son dynamisme suffit à lui seul à redonner du rythme au film. Le décalage entre le personnage du moine et ses propos outranciers est un ressort facile, mais bien exploité et la scène de la vente aux enchères est un bon exemple de l’étendue comique du talent de l’acteur. C’est donc vraiment Jack Palance la bonne surprise de ce film, même si on peut citer aussi Lionel Standler vu dans Pas de pitié pour les salopards en grand père bagarreur, sale et jovial.
Ah, là, Te Deum est sans conteste le film à voir si vous voulez poser des questions incongrues aux dîners de l’ambassadeur ! « Dans quel western voit on une famille vivre dans un bateau retourné ? » Bling ! « Dans quel western un moine écrase littéralement un crotale sur l’arrière train d’une belle demoiselle ? » Gling ! « Dans quel western voit on un chariot à voile ? » Dling ! « Quel western se termine-t-il par un match de water polo ? » Cling !
Donc du gros délire bien lourd. Si on aime pas ce n’est pas un problème, on peut toujours se payer des séance de psy pour remplacer. Pourtant malgré le délire, le film n’est pas une succession de sketchs enfilés les uns derrières les autres. A l’exception de quelques gags qui détournent les personnages de leur quête ou de leur personnalité, le scénario est bien ficelé et respecté dans sa logique jusqu’au bout ! Pas suffisant pour faire un bon film diront les esprits chagrins, mais déjà mieux que rien répondront les aguerris qui ont goûté aux Ravageurs de l’ouest !
Pas tout à fait réussie à mon goût. Elle est entraînante comme il se doit, mais ses accents pops sont un peu trop prononcés. Loin d’être inoubliable.
Le film se permet un personnage de faux moine assez décapant qui entraîne un certain nombre de gags propres à rallumer instantanément les bûchers de l’inquisition, comme ce bras de fer « serré » entre Jack Palance et la belle escroque (c’est quoi le féminin de escroc ?). Ceci dit, comme il s’agit d’un faux moine, le film n’est pas à proprement parler anti-clérical. Il est donc possible d’être croyant pratiquant et de regarder ce film sans (trop) se faire mal à la foi.
Parce qu’au cinéma, ils ne puent pas. Dans Te Deum comme dans On m’appelle Trinita, la saleté est hygiène de vie, le vrai travail est intolérable, la nonchalance est de mise, l’intégration dans la société est hors de question. Alors pourquoi les spectateurs qui rient et s’identifient à ces personnages en voyant le film, changent de trottoir, se bouchent le nez et votent Sarkozy quand ils croisent leurs pendants dans la vraie vie ? C’est parce que dans la vraie vie s’ajoutent la peur, l’inquiétude face au marginal, alors que dans le film, le héros est immédiatement identifié comme tel et ne sera que rarement foncièrement mauvais. Ces films sont donc incroyablement libérateurs en tant que divertissement en montrant que la liberté en dehors du système est génératrice de joie, de plaisir et de revenus. Car ne nous trompons pas, si un ultime retournement de situation, vient toujours in fine empêcher nos héros de profiter de l’argent mal acquis, le spectateur n’est pas dupe et sait bien que ces interventions quasi-divines sont rajoutées au scénario pour convenir à la bonne morale. Te Deum affirme donc - bien que ce soit sous couvert de comédie – que l’on peut parfaitement vivre heureux en dehors et aux dépens de la société. Mais ni la misère, ni le rejet, ni la souffrance, ne sont ne serait ce que sous entendus, car ce qui compte au dessus de tout ici, c’est de faire un bon gros rot après une platée de fayots au lard. Attention, Te Deum est donc un film vachement dangereux pour la jeunesse !
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