vendredi 22 avril 2011

True Grit

True Grit
2010
Joel et Ethan Coen
Avec : Jeff Bridges, Haile Steifeld, Matt Damon, Josh Brolin


Le film s’appelle True Grit parce que dans la France des années 2000, c’est la classe de laisser les titres en anglais. Son premake s’appelait Cent dollars pour un Shérif parce que dans la France des années 70 c’était encore vendeur de mettre le mot dollar dans les titres de western. Je n’ai pas beaucoup de respect pour les marketeux.
Je n’ai pas voulu revoir le John Wayne dont tout ce qui me reste est la fosse aux serpents à sonnette. Le souvenir reste traumatisant et je ne veux pas l’effacer en remarquant la faiblesse des effets spéciaux. On critique souvent la facilité du remake, on le dénigre presque toujours, pourtant, le principal intérêt du remake est de retrouver une forme d’oralité aux histoires cinématographiques. Comme la mort des parents de Bruce Wayne, racontée dans tous les sens et avec toutes les variantes par des générations d’auteurs, le remake participe à la construction des mythes. King Kong serait-il un mythe sans ses remakes ? Ben Hur serait-il connu sans son remake (il faudrait d’ailleurs suggérer à Ridley Scott de mettre en chantier un remake de ce film avec Russel Crowe, beaucoup de jeunes ne connaissent pas Ben Hur)
On n’en est bien sûr pas là avec True Grit. Mais quand la fosse aux serpents arrive, une vieille angoisse ressurgit, on se crispe sans le vouloir, ce n’est pas la même chose, et pourtant cela participe de la même dynamique. D’autres scènes font écho, il y a comme un air de déjà vu, et pourtant on est sûr de n’avoir jamais vu le film. L’histoire est racontée par d’autres trouvères, la tradition orale se perpétue, les deux films tomberont peut-être dans l’oubli, mais pas l’histoire, pas les serpents. Pas encore en tout cas.
L’un des plaisirs de ce remake est de savourer l’histoire justement sans cette vieille carne de John Wayne et son encombrante légende. Jeff Bridges ne peut pas comme John Wayne tourner dix films de fin de carrière qui n’ont d’autre but que de glorifier son propre vieillissement sous couvert d’ironie mordante. Et c’est tant mieux, on ne regarde plus un John Wayne, mais un film où chaque personnage peut se révéler. La gamine Haile Steifeld est époustouflante dans son assurance et j’adore le final qui révèle que toute cette intelligence et cette maturité ne produira finalement qu’une vieille fille un peu coincée. Jeff Bridges est parfait en vieux routier de l’ouest aux bredouillages incompréhensibles. Je suis plus réservé sur Matt Damon qui semble un peu trop occupé à écorner son image, mais ce n’est pas grave. Le film est bon, les Coen ont cherché à faire un western sans faire du Coen. On peut le déplorer, pour une fois, ce n’est pas l’histoire de loosers pathétiques qui font n’importe quoi. Pour une fois les personnages sont ce qu’ils prétendent être, les Coen font du vrai western, sans ironie destructrice, sans démystification à outrance, sans légende qu’on imprime à la place de la vérité. Un Marshall seul peut-il charger quatre méchants à cheval et gagner à la fin ? Oui, mille fois oui, et il dégomme les rattle snakes en rappel juste après !! Un Texas Ranger peut-il tuer un homme à quatre cent mètres avec sa carabine Sharp ? Putain que oui ! Un héros peut-il galoper jour et nuit pour sauver une fillette, bien sûr que oui, et ce soir là, les étoiles sont comme il se doit superbes ! Tout le reste, tous les tirs ratés, l’ivrognerie, les bavardages, le procès, veulent faire croire à un western post-moderne de plus, mais non, les frères Coen voulaient faire un western, et ils en ont fait un, rien de moins, rien de plus, allant jusqu’à évacuer toute ambiguïté sexuelle (aucun des personnages, pas même parmi les méchants, ne semble intéressé par la jeune fille sur ce plan là, ce qui se révèle finalement plus troublant que l’inverse venant d’un film moderne que l’on attendait un peu plus rough que cela) pour inscrire leur œuvre dans le classicisme du genre. Un bon western au cinéma, ne vous privez pas !

lundi 11 avril 2011

Ce vieux John Wayne...

L’autre jour quelqu’un a cru bon m’alerter : « Tu as vu, ils passent plein de vieux John Wayne sur la TNT ! ». Je fus donc évidemment intrigué qu’une chaîne de la TNT puisse diffuser des westerns des années 30 en noir et blanc, mais après tout, pourquoi pas ? Naturellement, ces vieux « John Wayne » n’étaient pas les pêchés de jeunesse de l’immense star, mais bien des « John Wayne vieux », les westerns des années 70 qu’il tournait encore alors qu’il était devenu un vieillard. Il faudra que je m’y résolve : les films des années 70 sont devenus des vieux films pour tout un chacun. Mais l’essentiel n’est pas là ! Il y a du « John Wayne vieux » à la télé, c’est le moment de s’en remettre quelques uns. Mais juste trois alors, parce les « John Wayne vieux », ça use.




Commençons donc par Chisum (1971, Andrew McLaglen). Insupportable monument de paternalisme chevillé dans la bonne conscience des gros propriétaires bienveillants, Chisum est en outre chiant au point qu’on se retrouve vite malgré soit à zapper sur Le Pacte des loups ou American Beauty qui passent chez la concurrence. Wayne, tel un gros pouf sur son cheval, regarde l’horizon et médite sur le temps qui passe. Ben Johnson, le regarde de loin l’air compréhensif parce que c’est son pote de l’ancien temps où que le progrès et la corruption y venaient pas faire chier. La loi ça sert à rien quand c’est un méga propriétaire terrien comme le Duke qui est aux manettes : il est sympa avec ses employés, sympa avec ses voisins, juste et droit, le patron rêvé, l’utopie made in MEDEF. Peu importe que le vrai Chisum était bien moins fair play, le Duke en chef d’empire équitable, McLaglen nous l’avait déjà servi en plus drôle dans Le grand McLintock et c’était déjà pas terrible. On se console en voyant passer des seconds rôles connus et des légendes de l’ouest : Billy The Kid, Pat Garret, tout ça. Allez, on oublie.




On enchaîne avec Les voleurs de train (1973, Burt Kennedy). Après une intro sympatoche pompée sur Il était une fois dans l’Ouest, le film part bien, même si Ben Johnson et John Wayne semblent continuer le film précédent et en remettre une couche sur la nostalgie qui n’est plus ce qu’elle était et les histoires du temps passé. Burt Kennedy radote aussi puisqu’il il nous remet une belle fille qui se voit obligée de faire bouillir ses vêtements pour qu’ils soient plus moulants, comme Raquel Welch dans Hannie Caulder, et qu’il nous remet aussi un étrange homme en noir presque fantomatique comme dans le même Hannie Caulder. La suite devient franchement ennuyante malgré de très belles images. Des bivouacs, des chevauchées, des discussions à deux balles sur l’opportunité d’être honnête ou sur la vieillesse qui affaiblit l’homme, puis encore des bivouacs entrecalés de temps en temps de bonnes doses d’action bien menées. Curieusement, le film visuellement, fait penser à Mon nom est Personne, pourtant sorti la même année, mêmes tonalités de couleurs, et surtout, ces chevauchées furieuses de plusieurs dizaines de tueurs pressés avec le même type de montage alterné (mais sur une musique beaucoup moins belle) et une destinée tout aussi explosive qui rappellent bien sûr celles de la Horde Sauvage. Belle coïncidence, mais qui ne suffit pas à relever un film creux dont le twist final ne fait même pas hausser les sourcils. Mais quelle importance, le Duke reste le Duke, les paysages sont magnifiques, le film n’est pas désagréable.




Avec Les Cowboys (1972, Mark Rydell), on monte d’un tout petit cran, parce que la violence est beaucoup plus malsaine, le ton plus amer et la morale moins sauve. Je vous crache le spoiler : le Duke se fait descendre, en quasi-martyre, salement amoché, la scène est très forte, marquante, dérangeante. Dans son livre sur le western, Christian Viviani écrit : « […] The Cowboys, que John Wayne avait conçu comme une sorte de testament, semble bien être un mauvais tour que Rydell a joué à son interprète. En fait, cette histoire qui voyait des enfants aider Wayne à convoyer son bétail et qui, le long du périple, sous le coup de l’« apprentissage » de leur aîné, devenaient des tueurs sanguinaires, ne laisse apparaître que maintenant son ironie et sa verdeur. » Mouaiff, l’ironie et la verdeur n’apparaissent pas tant que ça, le film reste un parcours initiatique assez banal, et la vengeance finale, bien que cruelle, ne semble pas vouloir montrer que les gamins sont devenus sanguinaires, mais bien que la catharsis ayant opéré, ils sont maintenant devenus des hommes. Mais on peut tout de même laisser au film le bénéfice du doute, et de ces trois « John Wayne vieux » diffusés récemment par la TNT (me demandez pas la chaîne, elles sont toutes interchangeables dans mon esprit), c’est quand même bien celui-là le plus intéressant. Allez, j’ai plus qu’à me retaper Rio Lobo et Cent dollars pour un Shérif, et je vous en reparle, et peut-être même qu’un jour je regarderai The shootist, qui paraît-il est très émouvant. Et vive le Duke, même si au final, entre les « John Wayne jeune et maigre » et les « John Wayne vieux et gros », c’est quand même les « John Wayne mûr et massif » qu’il vaut mieux regarder.

Images: USMC, lasbugas et jamesbond sur Western Movies.

lundi 7 mars 2011

Amour, fleur sauvage



Shotgun
1955
Lesley Selander


Avec : Sterling Hayden, Yvonne De Carlo, Zachary Scott


Ce qui m’a le plus fasciné dans cette pure histoire de vengeance de série B, c’est l’attitude du héros interprété par Sterling Hayden. L’acteur de Johnny Guitare avec son regard toujours noir, sa bouche constamment tordue en une sorte de rictus méprisant interprète à merveille le héros froid et vengeur, déterminé, presque franchement antipathique. Et pourtant, il finit toujours par remporter l’adhésion, lorsqu’il se sort des embûches à coup de revolver ou à l’aide de ses poings ; ou lorsque il remet à leur place Yvonne de Carlo ou le cynique Zachary Scott avec une répartie et un à propos qui étonnent. Pour un type censé être guidé par les œillères de la haine, notre sombre héros paraît particulièrement lucide sur sa situation et celle des autres. C’est l’un des indéniables atouts de ce petit film d’un petit faiseur oublié de cinéma.
Mal considéré, Lesley Selander n’a même pas l’honneur d’une petite ligne dans le bouquin de Christian Viviani. Pourtant Shotgun dégage l’aura des pépites peu renommées : interprétation de qualité, bonnes idées scénaristiques de ci de là, mise en scène rigoureuse, développement psychologique suffisamment étoffé pour ne pas paraître une contrainte de cahier des charges. Il y a d’abord les shotgun du titre (je ne m’étendrais pas sur l’antithétique titre français), dont le méchant se sert au début pour assassiner à bout portant l’ami du héros. On ne nous montre pas les dégâts (vivement que le film soit remaké par un opportuniste contemporain !), mais on nous dit qu’ils y sont ! La fascination pour les armes est toujours un bon ingrédient du bon western, c’est le gimmick que l’on se raconte à la récré. Notre héros emporte un shotgun avec lui pour se faire vengeance, œil pour œil, tripe pour tripe, le shotgun devient le symbole même de la violence et donne à la vengeance un degré supplémentaire de morbidité qu’un simple colt 45 aurait au contraire banalisée.
La poursuite lente et opiniâtre dans ces magnifiques et grandioses paysages de l’Arizona sert également de révélateur de la petitesse de la nature humaine. Peu de monde à qui faire confiance dans cet Ouest surchauffé. Que ce soit la fille perdue ou le chasseur de prime ambigu, tout le monde inspire de la méfiance – et avec raison - à notre soupçonneux héros. L’humanité Fordienne, le partage, l’entraide sont plutôt sous-représentés ici, en témoigne ce conducteur de chariot qui veut bien offrir de l’eau au héros, mais qui ne s’arrête même pas pour lui en laisser le loisir. On pourrait alors compter sur les indiens pour apporter un peu d’humanisme à l’ensemble, mais c’est plutôt leur facette de tortionnaires sophistiqués qui est développé ici. On pourrait compter sur la femme pour civiliser ce beau monde. Au lieu de cela, Yvonne De Carlo se baigne nue et déchaîne les passions des mâles voyeurs.
Malgré tout, au final, ce n’est quand même pas totalement un western nihiliste. La fille est finalement quelqu’un de bien, le chasseur de prime est finalement un type recommandable, le chef Indien tient tout de même parole, et Sterling Hayden finit par relâcher ses muscles faciaux pour faire un sourire à Yvonne De Carlo. Pourtant l’impression d’un monde désagréablement mesquin subsiste. La substance mortifère de ce monde sauvage n’est pas balayée par le happy end de rigueur, et la frustration de la mort rapide et limite absurde du méchant laisse le spectateur sur une pulsion meurtrière inassouvie qui prolonge l’état de tension permanente que ce petit artisan du septième art a pourtant réussi à distiller tout au long de son film. A voir.

Le film vu par Vincent sur Inisfree.

Affiche: Chip sur Western Movies

dimanche 27 février 2011

La Capture de Rio Jim


The Taking of Luke McVane
1916
William S. Hart
Avec : William S. Hart, Enid Markey, Clifford Smith


Curieux western de William S. Hart qui fait partie de ses premiers films produits avec Thomas H. Ince et qui pourtant ne tient pas ses promesses. Le scénario paraît bancal, sans réelle motivation. Bien que la mort finale de McVane soit totalement inattendue (et l’image finale très belle), son sort ne nous émeut guère, la faute à une absence de caractérisation du personnage. Hart a ici peu de marge de manœuvre pour faire évoluer son jeu et son héros : presque pas de regard menaçant, aucun regard de détresse, peu d’héroïsme, le fan est un brin déçu. Des indiens sortis de nulle part viennent faire le job, et les thèmes initiés ne sont pas développés. Le crime inaugural étant bien entendu de la légitime défense, le thème de la rédemption n’est pas au cœur de l’œuvre. La femme dont le héros tombe amoureux n’est pas une vierge pure, pensez-vous, c’est une chanteuse de saloon, dont le héros tombe amoureux sur la durée, et non pas par le biais d’un transfigurant et révélateur coup de foudre.
Une fois McVane en fuite, l’on s’attend alors à une course poursuite épique où le héros innocent s’enfonce à chaque étape un peu plus dans le malentendu et n’échappe que de peu à la peine capitale. Mais non, ceci est également rapidement évacué ! Décidemment, toutes les attentes, tous les poncifs Hartiens sont absents, car encore trop peu rodés, mais il n’y a aucune autre substance pour lier la sauce. Reste alors la toujours impeccable prestance de William S. Hart et ses tenues réalistes étudiées avec soin, une belle attaque d’indien, en cercle, et une notable maîtrise des mouvements de foule lors des scènes urbaines.
C’est peu mais c’est toujours bien !

samedi 19 février 2011

Riddle Gawne

Riddle Gawne
1918
William S. Hart
Avec : William S. Hart, Katherine MacDonald, Lon Chaney


Film totalement perdu à l’exception d’une bobine, Riddle Gawne semble le parfait exemple du film typique de William S. Hart, avec quête de vengeance, transfiguration par la grâce d’une femme et lâché de méchant du haut d’une falaise. Le film paraît encore avoir la force directe des films de William S. Hart tournés sous l’égide de Thomas H. Ince dans les années précédentes (pour ce film, Hart et Ince étaient déjà brouillés, Ince étant malgré tout crédité au générique en tant que superviseur), sans avoir encore la pesanteur de ses toutes dernières productions. Les treize minutes miraculeusement visibles de nos jours ne permettent pas de se faire une idée précise de l’intrigue, mais sont suffisantes pour combler de joie l’amateur de William S. Hart. A noter les critiques de l’époque qui voyaient dans l’interprétation de Hart une représentation de l’esprit de combat des boys alors au combat en Europe. La particularité de ce film également est de donner le rôle du traître à l’immense Lon Chaney, celui qui jouera Quasimodo et le fantôme de l’Opéra, et de montrer William S. Hart tirant dans le dos d’un homme (sans toutefois le tuer). Malgré tout, le film est si amputé qu’il faut le réserver aux fans du bonhomme uniquement.


Où le trouver ? A vrai dire je ne saurais dire. Le film m’a été copié par une forumeuse de western movies qui consacre un blog entier au film muet. Mais je ne sais pas où elle se l’est procuré.
Capture: scan de The Complete Films of William S. Hart


A noter : la Russie a décidé de rendre aux Etats-Unis cent quatre-vingt quatorze films muets qui n’étaient pas préservés sur le territoire américain. Ce qui veut peut-être dire que ces films seront bientôt un peu plus visibles que par le passé. Et sur les dix premiers qui ont été livrés, il y a un western avec Harry Carey (Canyon of the fools). Yipeeeee !

vendredi 11 février 2011

La poursuite sauvage

1972
The revengers
Daniel Mann
Avec : William Holden, Ernest Borgnine, Woody Strode, Roger Hanin.


C’est un gars qu’on lui zigouille toute sa famille. Alors il va dans un bagne, embauche des trognes aux spécificités bien affirmées, et se met à la recherche des meurtriers.


Dans la lignée des westerns des années 70 post-modernes, déconstructivistes, démystificateurs, crépusculaires et tout le toutim, La poursuite sauvage est certes moins renommé et moins ambitieux que certains westerns (re)connus tels John McCabe, Little Big man (ou Josey Wales pour rester dans un film qui commence un peu pareil), mais je l’adore quand même. D’aucuns méprisent vaguement son assimilation de certains tics spaghetti, d’autres trouvent certains éléments de scénario un poil invraisemblables (oh merde les gars, on a trouvé un western au scénario invraisemblable, on fait quoi ?), d’autres enfin trouvent que la thématique de l’affaire est exécutée avec des sabots par trop grossiers messieurs dames. Certains quand même apprécient ce sympathique western pour ses scènes d’action et le bon temps passé devant son écran en compagnie de grands noms du western tels William Holden qui ne desserre pas les dents du film, Ernest Borgnine qui cabotine à outrance, et Woody Strode super classe. Et même Roger Hanin en frenchy qui séduit toutes les femmes qu’il croise sur son chemin remporte l’adhésion.
Et pourtant moi, c’est bien ce qui rattache le film aux années 70, le pitch, le surtexte, l’interligne, le twist final, la core value du truc quoi, qui me fait au fond adorer ce film. Cette façon toute finale de désamorcer la thématique de la vengeance avec un simple regard hirsute, c’est tout ce que je me souvenais de ce film, lisible, basique, beaucoup plus efficace qu’un discours sur la violence qui n’engendre que la violence. Le désir de revanche qui se transforme en pitié ou en simple dégoût, c’est finalement assez couillu. Et comme l’emballage pan pan tagada tagada du résidu intrinsèque de l’affaire est bien mené et bien ficelé, avec même une pause narrative féminine (Susan Hayward) plutôt bien intégrée, je ne peux faire autrement que recommander ce film à tous les amateurs de westerns exigeants mais conciliants ! C’est pô l’affaire du siècle, mais c’est du bon quand même !


Le DVD : « Quand la violence traque la violence, il ne reste que l’enfer ! ». J’aime bien ces accroches de jaquettes de DVD, interchangeables dans l’ordre des mots et de film à film. « Quand l’enfer traque l’enfer, il ne reste que la violence », ça marche aussi, et pour une ribambelle de films. Je ne sais pas si le marketing est une science exacte, mais c’est clairement une activité d’abrutis. Sinon, on nous dit que c’est un western « implacable » ! Et La Prisonnière du désert, c’est un western placable, connard ?

samedi 8 janvier 2011

El Magnifico

1973
Enzo Barboni
E poi lo chiamarono il magnifico
Avec: Terence Hill, Gregory Walcott, Harry Carey Jr.


A tout bien réfléchir, ce cinéma là, méprisé et vilipendé par la critique bien-pensante de toutes les époques, a au moins le mérite, comparé aux Dalton ci-dessous, de la gentillesse, de l’humanité et de la bonne humeur qui ont totalement disparu de nos écrans aujourd’hui, remplacés par le cynisme, l’ironie méchante et le fameux esprit Canal qui s’est transformé avec les années en humour nouveau-beauf. Partageant des similitudes très souvent remarquées avec Le Pied Tendre de Morris, on pourrait presque dire que El Magnifico est finalement la meilleure adaptation de Lucky Luke jamais réalisée, bien que je m’avance légèrement avec cette affirmation, n’ayant pas encore vu la version de James Huth (à part les centaines de B.A et teasers disponibles sur le net avant sa sortie), ni celle de Terence Hill (mais dont on ne dit pas que du bien).
Pour El Magnifico, Terence Hill, trois ans après On l'appelle Trinita et un an avant Mon nom est Personne est au zénith de sa carrière – et peut-être le seul acteur au monde ayant réussi en terme d’aura internationale à côtoyer l’ahurissant succès mondial de Chaplin – place toujours ses sourires angéliques, sa feinte naïveté et ses yeux grands ouverts au service du bien, de la veuve et de l’orphelin. El Magnifico fonctionne sur le thème du citadin en déphasage avec l’Ouest dur et austère. Sur ce thème pourtant usé jusqu’à la corde déjà au temps du muet (voir Go West du maître Keaton, ainsi que Malec chez les indiens, où l’on retrouve le filet à papillons), Enzo Barboni parvient à dépasser la lourdeur parodique de ses Trinita pour réaliser un agréable film, tout public et à la bonne humeur communicative. Certes, il y a les inépuisables fayots, certes il y a les ridicules chasseurs de primes des Trinita, certes il y a les interminables bastons, mais le scénario est plus fin, plus comestible, plus familial. On apprécie toujours autant cet inépuisable attrait des héros de westerns italiens envers les faibles et les marginaux (les trois bandits socialement inadaptés, le charpentier irlandais et sa ribambelle de gamins) et on remarque un brin gêné ce pur héros aux yeux bleus qui avoue sa peur avant sa transformation en dur à cuire. On apprécie également, n'en déplaise aux puristes, de retrouver Harry Carey Jr. dans ce western. Dans ma mémoire, le scénario était plus du type de ceux des westerns samouraï, c’est à dire qu’on découvrait que l’Anglais, malgré son déphasage avec la société de l’Ouest, parvenait à se sortir du pétrin paradoxalement grâce à ses bonnes manières et à sa candeur. Il n’en n’est rien. Il faudra que le héros se fasse littéralement violer (comme le précise Jean-François Giré en introduction du DVD Sidonis) pour que la métamorphose opère et qu’il se fonde enfin dans son environnement. Si vous ne goûtez guère à Terence Hill mais que vous avez apprécié Mon nom est Personne, essayez donc celui-là!