samedi 13 janvier 2007

La Cible Humaine


 Un pistolero légendaire, une jeunesse perdue, un destin qui se précise.
Henry King
The Gunfighter
Avec Gregory Peck
Noir et Blanc, 1950

Jimmie Ringo est le tireur le plus rapide de l’Ouest (10 morts à son actif), plus rapide même que Wyatt Earp. Mais Jimmie Ringo est aussi un homme qui mûrit, et il en a assez de voir des petits gringalets le défier à la moindre occasion. Après avoir abattu son 11e morveux en légitime défense, il s’enfuit à Cayenne (la ville, pas le pénitencier), poursuivi par les frères dudit morveux. A Cayenne, il cherche à revoir son ex-femme et son fils, mais le shérif l’en empêche, et du reste, sa femme ne veut plus le voir. Terré dans le saloon entouré de curieux et de gamins venu voir la légende, cernés par des revanchards prêts à lui tirer d’une balle dans le dos à la moindre occasion, houspillé par les dames convenables qui veulent son départ, Jimmie attend, fébrile et nerveux, que sa femme veuille bien lui parler. Pendant ce temps là, les trois hommes qui le pourchassent se rapprochent, se rapprochent…


Film sur l’immaturité de la jeunesse, sur les revers de la popularité et sur l’inconscience de forger celle-ci sur les armes, La Cible Humaine est aussi un huis clos stressant basé sur la détresse psychologique d’un homme, rattrapé par la tempête qu’il a lui-même provoquée et par sa chute imminente. Sa disgrâce est accélérée à chaque fois que Jimmie Ringo réclame "one more minute". Il voudrait changer, éviter les ennuis, mais les ennuis viennent à lui du fait de sa célébrité. La phrase clé est « il n’a pas l’air si terrible que ça ». Les gens intelligents la prononcent, puis vaquent à leurs occupations. Les jeunots vantards se font la même réflexion, mais ils vont aussitôt asticoter Jimmie Ringo pour vérifier, à leurs dépens, la rapidité de l'as de la gâchette. Le personnage principal est joué par Gregory Peck, très bon quand il sent les pépins venir à trois kilomètres et qu’il fait tout son possible pour ne tuer personne. Son ambivalence, entre bête traquée et fauve prêt à mordre donne un petit coté recherché à l’intrigue, et la conclusion assez noire en fait définitivement un western à part. Le shérif (Millard Mitchell), ancien ami de Jimmy Ringo, partagé entre son désir de se débarrasser de Ringo et sa loyauté, a un profil très intéressant, entre bonhomie et menace sourde. L’action est assez rare mais la tension très présente, ainsi que l’humour, quand Ringo rencontre incognito les dames de bonne société de la ville, et que celles-ci ne savent pas à qui elles parlent. Il est très intéressant de constater que le goût de la gloire facile a existé de tout temps à des niveaux différents.
Moins prenant que certains chefs d'oeuvre du genre sur des sujets similaires comme L'homme qui tua Liberty Valance , moins glorieux que Le Brigand Bien Aimé du même Henry King, La Cible Humaine est un bon film à l'atmosphère tendue et crispée (Gregory Peck, l'oeil rivé à l'horloge), sans fioriture ni exagération. Le cheminement de l'action, concentrée autour du saloon, est simple, mais dense et fluide. Ce western a marqué ma jeunesse, car je fus déçu à l’époque de voir le héros se faire abattre comme un chien, j'étais finalement comme tous les gamins de la ville qui attendent la confrontation finale: qui va tuer qui? Et quand c'est leur héros qui perd, les gamins sont abasourdis. La toute dernière image, qui montre l’éternel recommencement de la bêtise humaine est ancrée dans ma mémoire.

Où le voir : Il existe un DVD, mais le film est passé récemment sur France 3. Ce classique typique du western des années 50 est probablement diffusé régulièrement sur les chaînes du câble et du satellite.

4 commentaires:

  1. Ah ! Et bien c'est très joli comme ça. Tu conserves celui sur DVDrama ou tu migres complètement ?

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  2. Pour l'instant je conserve les deux. Celui-ci est en période d'essai :-)

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  3. Ah, je vois que blogger attire un peu les dvdramiens ! ;o)
    (c'est calme sans la pub pour ce fameux type dont on écrit l'histoire hein ? lol)

    Article toujours aussi agréable à lire sinon, même pour un parfait non-westerneux comme moi.

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  4. Je trouvais la présentation de ton blog assez sympa, alors c'est là que je suis venu...

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