Ben et Charlie – [HW] - L’armée des morts
Soirée clash à nouveau pour votre narrateur, clash entre deux films de genre qui n’ont rien à voir entre eux, le western et le film de zombie. Vraiment rien à voir ?
Ben & Charlie
1972,
Michele Lupo
Amico, stammi lontano almeno un palmoAvec : Guiliano Gemma, George Eastman
Ben & Charlie vivent de tricheries au poker et de coups fumeux, mais ils rêvent de make it big, Ben surtout, qui est amoureux d’une femme à qui il voudrait offrir ce qu’il y a de plus beau. De tricherie, ils passent subtilement (si l’on peut dire) à un banditisme plus classique.
Ben et Charlie est un excellent western-comédie, teinté d’ironie amère par subtiles touches, de loin en loin. La comédie rappelle les Trinita dans la façon qu’ont Ben (Guiliano Gemma) et Charlie (George Eastman) de se battre comme deux frères qui n’ont jamais grandi. Les répliques fusent et Ben, déjà bien amoché, s’exclame « Mais fallait le dire que tu voulais vraiment te battre ! ». Cette camaraderie dans la baston fait chaud au cœur, et on a instantanément envie de parcourir un bout de chemin avec ces deux là. La comédie se fait aussi parodique, dans sa représentation des trois malfrats qui s’associent pour le meilleur et pour le pire avec Ben et Charlie. Les trois sbires apparaissent plus comme des échappés du cirque Archaos ou d’un sous Mad Max que d’une bande de hors la loi du XIXe siècle. Mais qu’importe, le western spaghetti a ses charmes, et les puristes du western américain se les prennent dans la gueule ! Malgré tout, bien que Ben déambule en haillons tout au long du film, il n’est pas un succédané de Trinita. Pas de fayots, pas de rots, pas de pets, pas de baffes en accéléré, pas de sieste. Ben est toujours joyeux, toujours tout sourire, comme un gosse qui ne voit pas la réalité en face. Charlie est plus sombre, plus raisonnable, mais bien qu’il essaye sans cesse de se séparer de Ben, le destin les réunit toujours.
De la part de Michele Lupo, réalisateur de l’honnête Arizona Colt et du fabuleux Adios california, on est en droit d’attendre un niveau de qualité minimum, et on l’a. Le film n’est pas fauché, et c’est déjà un très bon point dans cette atmosphère « dépôt de bilan » où pataugent de si nombreuses productions italiennes. Les décors sont nombreux, les détails pullulent. La réalisation est tout à fait honorable, pour une fois on n’a pas besoin de recoller les morceaux soit même pour comprendre ce qu’il se passe. Au fur et à mesure que l’intrigue progresse, le ton se fait plus sombre, plus mélancolique. Ben croise la route d’une putain dont il est amoureux et étale au grand jour sa détresse intérieure. De ce fait, nos deux compañeros deviennent de vrais bandits, et la violence, qui jusqu’ici était inexistante prend ses droits. Aldo Sambrell reçoit un bel impact sanglant dans le poignet, et Charlie le paye cher au cours d’un passage à tabac bien dans le ton habituel du genre à sa période la plus tragique. Lors du dénouement dans une ville quasi-fantôme, on assiste au premier mort par balle du film, en la personne de 3%, petit comptable qui rêvait de la vie au grand air. Ben n’aime pas que l’on tue ses amis, et il laisse enfin la poudre parler. Dans le rôle, Guiliano Gemma pourrait paraître fade mais il ne l’est pas. Avec ses cheveux bouclés sous son chapeau, il fait un peu penser à Harpo Marx, toujours excité, toujours en mouvement. George Eastman est très bien lui aussi, toujours grand, toujours sombre, et lui aussi laisse ses pulsions meurtrières s’exprimer en lynchant un bandit dans une belle scène en caméra subjective. George Eastman est magnifique également dans la scène d’introduction. Couvert de poussière, il dort dans un abreuvoir à sec devant un pénitencier. Il attend, des jours et des jours, la nuit, le jour, sous la pluie, au soleil, pendant que le générique et la belle chanson « Let it rain, let it pour » se déploient. Il attend que Ben sorte de prison. Il suffit de petites scènes comme ça pour faire d’un film passable un film cher à son cœur. Le western spaghetti est un univers où les hommes ont le temps, qu’ils attendent Charles Bronson à la gare ou Guiliano Gemma à la sortie du pénitencier, ils sont dans un système temporel différent du notre, non soumis aux mille tracasseries des dates et des heures de la vie moderne. Et c’est pour ça aussi qu’on aime le genre.
L’armée des morts
Dawn of the dead
2004
Zack Snyder
Avec: Ving Rhames
Attention aux gâchages (spoilers).
L’armée des morts est un remake du fameux Dawn of the dead de Romero. Snyder a repris la trame du film de Romero en enlevant le seul truc intéressant dans l’original : la critique contestataire de la société de consommation. Oups !!! Effacez ça, c’est la phrase type pour se la péter en dîner mondain. Rewind. Non, Snyder a repris la trame du film de Romero en gardant l’essentiel de ce qui fait le jus de l’original : des zombies qui bouffent des gens ; tout en boostant l’efficacité narrative aux normes en vigueur dans les années 2000. Le coté social on s’en tape, on n’est pas là pour réfléchir, on est là pour sursauter, faire ouhh et haaa à chaque trouvaille visuelle. L’introduction télévisuelle ahurissante du film de Romero est abandonnée pour un prologue plus sage où l’on s’amuse à relever les indices de l’apocalypse à venir (« En réa, pour une morsure ? »). On a à peine le temps de regretter l’intro de Romero que l’action démarre sur les chapeaux de roue, dans le pur style slasher ou la petite madame se réfugie dans la salle de bain. Le zombie est leste, il est rapide, mais il n’est pas intelligent au point de se servir d’une hache comme Jack Nicholson. Pas de problème, s’il ne peut utiliser sa tête pour réfléchir, il l’utilise pour enfoncer la porte. La fuite en voiture qui suit est une démonstration de maîtrise technique formidable, à l’exception d’une voiture en SFX CGI qui vient à toute allure s’exploser contre une station essence (où un truc comme ça), lors d’un fabuleux plan vu d’hélicoptère qui montre le chaos en marche. Le claquemurage dans le centre commercial curieusement rappelle plus Day of the Dead que Dawn of the Dead avec son petit chef de la sécurité tyrannique qui finalement à l’air bien plus dangereux que les zombies eux-mêmes. Coté gore, il y a un peu moins d’éviscérations que dans les Romero, par contre Snyder va beaucoup plus loin dans le macabre glauque avec ce docteur Pratt qui fait accoucher sa femme zombie et qui refuse de se séparer de sa petite famille cannibale. Le reste du huis-clos dans le centre commercial manque un peu plus d’inventivité, il y a bien une tentative de sauvetage d’un armurier qui tourne court, mais sinon, on aurait aimé être un peu plus surpris. Qu’à cela ne tienne, la suite est un pur moment d’horreur, une image visuelle qui marque à jamais. Nos humains, enfermés dans des bus blindés, sortent du centre commercial, et se retrouvent à avancer presque au pas dans une marée mort-vivantesque incroyable. Ils sont partout, ils cernent les bus, ils menacent de les renverser. L’image fulgurante rappelle la descente des Bleus en 98 en bus sur les champs Elysées, elle évoque les rassemblements de fans et les mouvements de foule dès que Mickael Jackson ou Lorie font une apparition publique. Le message est clair : l’humain a dans notre société un comportement de zombi affamé. Les morts vivants, c’est nous, dès que l’on fait la queue pour acheter une console de jeu, dès qu’on poireaute une matinée entière au téléphone pour acheter des places de U2, dès qu’on s’excite comme une puce pour voir Spiderman 3 (même s’il faut bien admettre, dans le cas de Mickael Jackson, que physiquement la star ressemble plus à un zombi que ses fans). Ce moment clé du film passé, on a quelques trucs dégueu à base de tronçonneuses et d’explosions quasi-nucléaires pour terminer sans le happy end en vigueur de nos jours, signe que l’on a affaire là à un film assez respectable.
Et vous allez me dire, que vient faire ce film dans un blog western, Tep ? J’aurais pu dire que c’est un western moderne, ou les zombis remplacent les indiens, le centre commercial c’est le fort, puis les bus ce sont les chariots, avec même ce petit enfoiré de chef de la sécurité qui meurt en héros à la fin, comme Henry Fonda dans Le Massacre de Fort Apache. Mais il n’est point besoin de balivernes comme ça pour parler de ce film, la filiation est voulue et démonstrative : lorsque Ving Rhames joue aux échecs à distance avec le vendeur d’armes, il joue sur un jeu d’échec « Alamo ». Tout est dit. A partir de ce moment là il est clair qu’il n’y aura pas de survivants, et la sonnerie des morts, c’est tous ces grognements qu’on entend au dehors…
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