lundi 2 juillet 2007

Le massacre de Fort Apache



Fort Apache
John Ford
1948

Avec: John Wayne, Henry Fonda, Shirley Temple, John Agar



Fort Apache est une petite garnison bien tranquille dont le souci principal est la ligne télégraphique qui est sans arrêt coupée ! Arrive un galonné de ceux que personne n’aime, un type mis au placard pour une raison ou pour une autre et qui met un coup de pied dans le plat par dépit. Exactement comme un chef de service parachuté par la direction parisienne vient ruminer sa colère dans une petite antenne provinciale, le colonel Thursday (Henry Fonda) amène avec lui sa fille Philadelphie (Shirley Temple), son mépris des hommes et des indiens et son ambition frustrée. Il commence par vouloir remettre d’aplomb les uniformes un rien débraillés de lieutenants et d’hommes plus portés sur la boisson et la bonne camaraderie que sur la rigueur militaire. Puis il affiche ouvertement son mépris dû à sa classe quand il refuse de marier sa fille à un simple sous-lieutenant, fut il beau et sobre (John Agar). Henry Fonda joue donc un gars pas tibulaire mais presque, ce qui au final lui arriva assez souvent, si on compte L’homme aux Colts d’Or et Il était une fois dans l’Ouest.

John Wayne aurait voulu jouer les types franchement patibulaires qu’il n’y serait jamais arrivé. Ce gars là est droit dans ses bottes et jovial quelles que soient les circonstances. Il joue le capitaine Kirby York, le genre de galonné qu’on aime bien : pas assez haut placé pour être totalement con, suffisamment tout de même pour imposer le respect et être autre chose qu’une fourmi docile, tout en restant simple et bon camarade. Le capitaine Kirby York, c’est un peu le lieutenant Blueberry en moins alcoolique, il est l’ami des indiens et de Cochise et il croit en la force des traités, il n’a pas d’ambition personnelle et il considère les indiens d’égal à égal et tient parole. C’est bien sûr un homme à se fritter avec le colonel Thursday !

C’est d’abord à fleuret moucheté, car bien que Thursday soit un emmerdeur, il connaît son boulot. Quand les hostilités avec les indiens commencent, il met au point un plan somme toute habile pour punir la bande qui a torturé deux de ses hommes. Plan habile, imposé sans aucune concertation avec ses lieutenants, mais plan habile tout de même. Le capitaine Kirby York s’écrase. Le colonel Thursday, bien qu’étant un rustre qui remet toujours tout le monde à sa place, est aussi un homme juste qui sait agir justement en détruisant le stock d’armes et d’alcool frelaté d’un escroc qui représente pourtant le gouvernement.

Malheureusement, le colonel Thursday aimerait que l’on parle de lui dans les journaux à Washington, et il profite de la confiance qu’inspire Kirby York à Cochise pour lui tendre un piège. Dégoûté, Kirby York s’oppose enfin frontalement à Owen Thursday, mais l’obéissance est plus forte que tout! Qu’importe que le colonel emmène ses hommes vers une mort certaine et que tout le monde en soit conscient. Il faut obéir, quoi qu’il arrive. Kirby York est relégué en arrière de colonne et ne participe pas au massacre. Quand le colonel Thursday se rend compte de son erreur, il retourne mourir avec ses hommes, relâche enfin son port hautain et s’excuse, mais c’est trop tard, l’ouragan Cochise est déjà sur eux, dans un plan magnifique de poussière et de cavalcade. Le massacre en question se conclue par un plan grandiose de Cochise plantant sa lance au pied d’un John Wayne digne, mais désarmé. La conclusion du film est désarmante également, puisque le capitaine York honore la mémoire de feu son supérieur en servant la légende aux journalistes plutôt que la réalité. Mais dans ses yeux, on voit tous ces hommes morts pour rien, auxquels il rend directement hommage.

Ce scénario qui s’inspire du désastre de Little Big Horn offre son content d’action et de coups de fusil aux amateurs de westerns purs et durs. Une fois de plus avec Ford, la nation indienne est une nation noble, qui veut la paix, mais qui est sans cesse bafouée par la faute d’escrocs sans scrupules ou d’officiers à la recherche de gloire. Une fois de plus, voici un western pas si manichéen que ça, au point que j’aimerais bien en voir un, un jour, un de ces westerns tant décriés où le peau rouge n’est qu’une bête sanguinaire assoiffée de meurtre !

Et tout cela suffit déjà à faire du Massacre de Fort Apache un western plus palpitant que La Charge Héroïque et plus passionnant que Rio Grande. D’autant plus que ce qui fait le charme éthéré de La Charge Héroïque est là aussi : la petite vie marrante, virile et alcoolisée de la garnison. La destruction du stock d’alcool frelaté donne lieu à une scène hilarante, tout comme ce bal où chaque invité apporte une bouteille pour corser le punch fait maison. Chez Ford, l’alcoolisme n’est jamais qu’un prétexte à rire. Le joyeux foutoir des jeunes recrues qui apprennent à monter à cheval et la corvée de fumier donnent lieu également à des moments réjouissants, encore que la volonté de faire rire soit un peu trop visible et désamorce les effets comiques, sans toutefois entacher la bonne humeur de ces scènes. Et surtout, ce qui tape sur les nerfs dans Rio Grande est brillamment absent ici : pas une seule sérénade pour ralentir l’action, c’est toujours ça de gagné. Le massacre de Fort Apache est donc le premier et le plus réussi de la trilogie de la cavalerie : un scénario passionnant, de l’humour, une belle confrontation de stars, et bien sûr Monument Valley. Seul bémol, il est en noir et blanc, là où la couleur allait si bien à La Charge Héroïque


PS : La version française fait 1h40, la vo fait 2h, avec plus de scènes sur la vie quotidienne de la garnison.

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