lundi 9 juillet 2007

Dieu pardonne, moi pas


Dio perdona... Io no !
1967
Giuseppe Colizzi
Avec : Terence Hill, Bud Spencer, Frank Wolff, Gina Rovere, José Manuel Martín


(Terence Hill) est sur la trace d’un bandit qu’il croyait mort (Frank Wolff). Un agent d’assurance (Bud Spencer) est sur la trace du même bandit afin de récupérer un magot volé.

Le western italien est superbe. Bien avant que l’on qualifie la mise en scène de certains films d’«esthétique clip» , le western italien a su créer de véritables petits métrages au sein même des films, des petites histoires avec leur intensité dramatique, leur mise en scène recherchée, leur esthétique choc. Quand plus tard Luc Besson réalisera Subway on se mettra alors à parler « d’esthetique clip », alors qu’au fond il n’y avait rien de formellement novateur. Par exemple, le début de Dieu pardonne, moi pas n’a rien à envier aux mises en scènes démonstratives des cinéastes d’aujourd’hui : un train qui avance doucement, bercé d’une musique presque mystique, un ballon qui traverse la voie ferrée et un petit garçon qui vient le chercher pour découvrir toute une assemblée venue accueillir le train, les visages de plus en plus inquiets des gens entraperçus entre les wagons du train qui n’a pas l’air de vouloir s’arrêter et ce cri : « le train est vide ! ». Vide ? Non, comme dans un bon western spaghetti, le train n’est pas vide, il est rempli de cadavres, savamment enchevêtrés pour créer un petit effet de « vérisme » supplémentaire, tandis que la caméra suit le seul survivant, hagard, qui s’enfuit incognito, dans le désert espagnol. Aujourd’hui, les réalisateurs talentueux mettent tout leur savoir faire pour recréer ce genre de scènes dans des films gros budgets soignés et respectueux, hier, Sergio Leone, Sergio Corbucci et Giuseppe Colizzi mettaient non seulement leur savoir faire, mais aussi leur inventivité au service d’un cinéma populaire, novateur et exigeant ! Revenir aux sources n’est pas forcément un retour en arrière.
Des micro-films au sein de Dieu pardonne, moi pas, il y en a d’autres, des scènes à faire aussi. Le flash back, le passage à tabac, la torture, le duel, le trésor caché, autant d’éléments, qui s’ils sont présents dans tous les westerns spaghetti, ne forment un tout cohérent que dans les meilleurs. Il ne suffit pas d’assembler ces micro-films dans un ordre à peu près linéaire pour former un tout cohérent. Il faut un scénario solide, il faut des dialogues structurés qui fonctionnent tout en respectant la traditionnelle singularité et les faux-semblants des dialogues du western à l’italienne, il faut un humour discret qui ne perturbe pas la progression dramatique (Terence Hill qui abandonne Bud Spencer dans le désert et Bud Spencer qui secoure un Terence Hill ne sachant pas nager, seuls éléments pouvant a posteriori indiquer la future destinée comique des deux acteurs.), il faut enfin une foi authentique dans l’histoire racontée, une absence de second degré pour se concentrer uniquement sur le ballet des personnages (second degré, troisième degré, trente millième degrés qui sont devenus la marque de fabrique du cinéma d’aventure d’aujourd’hui :Le boulet, OSS117 etc..).
Premier film de la trilogie Colizzi (avant Les quatre de l’Ave Maria et La colline des bottes), Dieu Pardonne, moi pas me paraît le meilleur des trois. Les 4 de l’Ave Maria malgré la présence d’Eli Wallach ne m’a pas procuré le même plaisir formel. La Colline des bottes semblait également bien pâle en comparaison, en tout cas dans ma mémoire. Dieu pardonne, moi pas, s’il n’atteint pas la démesure enchanteresse des films de Sergio Leone remplit toutes ses promesses en respectant le spectateur. Terence Hill est le pistolero sombre et taciturne qui quand il le faut sait faire preuve d’agilité athlétique, Bud Spencer est le colosse entêté et indestructible qui donne toute sa puissance dans la scène où il doit porter sur son dos un coffre extrêmement lourd , Frank Wolff est le bandit calculateur, qui manipule ses hommes et qui cabotine. Ces trois là se connaissent bien, rien n’est vraiment expliqué au même titre que le passé mystérieux des trois protagonistes du Bon la brute et le truand et cela leur confère malgré tout une certaine épaisseur. Si Dieu pardonne, moi pas ne brille pas exactement par un scénario original, ni par une ambiance exagérément mortifère, il n’en reste pas moins un bon exemple de ce que le western italien pouvait offrir de bon : un divertissement honnête, un sens de l’aventure bien exploité, quelques scènes grinçantes de souffrance, aucune erreur grossière de mise en scène, de bons acteurs, une bonne musique, quelques surprises égrenées ici et là. Tout ce qu’il faut et tout ce qu’on demande, pas plus, pas moins…


Le DVD Seven 7 : pas de bonus intéressants dans cette édition Seven 7, dommage. Image de très bonne qualité. Version française et italienne. J’ai opté pour la version italienne de peur de subir un doublage « post-trinitesque » mais il semblerait que le doublage français soit recommandable. D’après certains, il manquerait également une scène où Frank Wolff viole une paysanne.

1 commentaire:

  1. Sorti en plein pic de production du western dit spaghetti (entre 66 et 68, près de 200 titres européens en sont !), ce titre inaugural de la trilogie de Colizzi (poursuivie par Les Quatre de l’Ave Maria puis La Colline des Bottes) retint longtemps (et de manière injustement réductrice) l’attention pour le poussiéreux berceau qu’il fut au tandem Terence Hill/Bud Spencer. Mais loin des bastons truculentes et répétitives, à distance raisonnable du ton parodique qu’empruntera quelques temps après la série des Trinita, nous sommes ici en présence d’un pur produit de son époque, italo-espagnol, un western à l’européenne sordide, graphique, complaisamment baroque et doucettement halluciné, appuyé sur des codes solidement établis par l’autre et Leonesque Trilogie (celle du $) : un foutu western-spaghetti !
    Mis en image avec soin (d’aucuns y déplorent la vanité des focales, l’excès des close-up, la lenteur ampoulée des plans… mais n’est-ce pas là une des marques du genre ?!), interprété tantôt avec une économie voulue magnétique (Hill lorgne sur le Franco Nero de Django), tantôt une outrance rêvée de même (Frank Wolff vise plutôt Gian Maria Volonte), par des acteurs n’ayant qu’à incarner des stéréotypes proches du motif (no psychology allowed !), l’affaire livre quelques séquences conceptuelles du meilleur effet (l’ouverture sur le « train du juge », le « duel-incendie », le « pugilat du héros pendu par les pieds ») et le tout n’a pas tant à rougir auprès de Castellari et même de l'inatteignable Corbucci.

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