jeudi 21 juin 2007

La poursuite infernale



Attention, si vous cherchez une véritable critique de ce film, en général unanimement considéré comme un chef d’œuvre, avec des mots compliqués pour dire le génie de Ford et le fait qu’il a tout inventé, ce n’est pas ici que vous la trouverez.


My Darling Clementine
John Ford
1946
Avec: Henri Fonda, Victor Mature, Walter Brennan.

C’est l’histoire des frères Earp, vous savez, ceux qui se castagnent contre les Clanton à OK Corral. Mais comme c’est un John Ford évidemment ça parle de tout autre chose. Et le but est de découvrir quoi…

Cela commence par un générique original à base de pancartes qui tournent en boucle, cela se poursuit par des plans de Monument Valley en noir et blanc, et puis on tombe sur Henry Fonda, sale, pas rasé, qui commence d’emblée les hostilités verbales, à fleuret moucheté, avec le père Clanton, joué avec noirceur par Walter Brennan. Clanton veut acheter le bétail de Earp qui veut garder ses bêtes. Cela en reste là pour l’instant, Earp et ses frêres font la vaisselle avec la poussière de la piste, puis ils vont faire un tour chez le barbier de Tombstone pour vérifier sur le champ la loi non écrite qui veut qu’il est impossible de se faire raser la barbe dans un western, quel qu’il soit. Troublé par un fauteur de coups de feu, Earp prend les choses en main et se voit proposer le poste de Shérif de la ville. Les noms résonnent comme une mythologie ancrée dans l’inconscient collectif : Earp, Tombstone, Dodge City. Quand Earp dit son nom, les gens se retournent, Earp est une légende vivante, et c’est une sacrée mauvaise idée de lui voler son bétail en lui tuant son jeune frère au passage. C’est beau un western de nuit, en noir et blanc, lorsque les frères Earp découvrent la mort de leur frère, engoncés dans leurs cache-poussières trempés de pluie dégoulinante. C’est même magnifique.
Et c’est vraiment dommage que ce film mythique, adulé des cinéphiles de tout poil, commence si bien pour ensuite prendre une tournure beaucoup trop pépère au détriment de l’action et de la castagne. Soudain, on voit Fonda qui cause devant la tombe de son frère, puis on voit Fonda qui joue au poker, puis on voit Fonda assis sur une chaise à attendre. Puis Linda Darnell chante une chanson, Victor Mature apparaît et fait sonner un autre nom de la mythologie westernienne : Doc Holliday. Après un échange un peu tendu avec Earp, il tousse et déclame du Shakespeare. Fonda retourne sur sa chaise et Linda Darnell chante une autre chanson. Du coté des Clanton, il ne se passe rien. Arrive la Clémentine du titre (Cathy Downs). C’est une ex de Doc Holliday, qui n’a pas l’air très heureux de la revoir, sans doute parce qu’elle ne chante pas. Mais Earp semble beaucoup l’aimer lui. Il retourne chez le barbier, et cette fois, il n’est pas interrompu, signe qu’on n’est plus vraiment dans un western, puis il danse de façon gauche. Le grand Henry Fonda est devenu un être fragile…Les choses se décident alors à bouger un petit peu. Earp soupçonne Holliday d’être à l’origine du meurtre de son jeune frère, ce qui est faux bien sûr, comme tout ceux qui ont vu le film de Sturges dix fois dans leur enfance le savent : Holliday n’est pas un mauvais bougre. Mais cette suspicion infondée donne lieu à une belle poursuite, Fonda utilisant deux chevaux pour rattraper une diligence que Victor Mature mène comme un damné.
Alors que finalement il devient clair que ce sont les Clanton qui ont fait le coup, un des frères Earp a la mauvaise idée de poursuivre l’un des Clanton jusqu’à leur ranch. Paix à son âme. A partir de là, le fameux règlement de compte à OK Corral peut avoir lieu, plus de quartier. Après le coup des cache-poussières, Ford démontre une fois de plus que Leone n’a rien inventé - ce que pour une fois Leone reconnaissait volontiers – Earp profite de la poussière de la diligence pour disparaître et abattre un scélérat. Holliday déguste, et le père Clanton se retrouve seul survivant de la famille face aux Earps. Walter Brennan devient alors touchant, l’espace d’un instant, quand il se rend compte que tous ses fils sont morts. Mais on n’a guère le temps de le prendre en pitié, il se fait finalement abattre lui aussi. Fonda repart en laissant Clémentine au bord de la route, hé oui en définitive, on est bien revenu au western…
Alors que dire ? Que Ford est surfait ? Qu’il n’est surfait que pour ceux qui ne connaissent rien au cinéma, comme moi ? Autant La Prisonnière du Désert, l’homme qui tua Liberty Valance , Les raisins de la Colère ont été à la hauteur des attentes suscitées par leur statut de films intouchables, autant La poursuite infernale paraît vide, sans réel enjeu autre que celui de montrer un homme qui participe à sa façon à la construction des Etats-Unis. Pas un mauvais film loin de là, mais une déception, eut égard à la réputation du bébé…

3 commentaires:

  1. Et bien je vois que tu travailles d'arrache-pied (aie) à reconstituer ton blog. C'est marrant de retrouver tes chroniques que je suivais l'an dernier. Et puis ça te donne de l'avance pour Ford :)

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  2. Par contre, ne pas le regarder en version française si on veut garder son sérieux : le doublage est à pisser de rire (ou à pleurer, c'est selon !).

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  3. Certes, la traduction des noms propres fait plutôt rigoler de nos jours. Mais c'est une incontestable curiosité.

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