jeudi 21 juin 2007

Brigade Spéciale



Roma a mano armata
1976
Umberto Lenzi
Avec: Maurizio Merli, Arthur Kennedy, Tomas Milian


Le commissaire Tanzi (Maurizio Merli) est confronté au grand banditisme, à la violence, à la jeune délinquance. Il est aussi emmerdé par les failles de la justice et le laxisme de la juge pour enfant (qui est en même temps sa copine) qui remet les junkies qu’il arrête en liberté. Plutôt que de lancer une polémique populiste dans la presse, il emploie la manière forte, ce qui lui vaut d’être mis au placard par sa hiérarchie. Mais tout ça n’est que broutille, et rien ne l’empêchera d’affronter au final le cruel bossu Vincenzo Moretto (Tomas Milian).

Quand le péplum n’a plus marché, les Italiens ont fait du western, quand le western n’a plus marché, ils ont fait du polar. Secs, violents, urbains, ces polars racontaient l’Italie des années 70 : racket, corruption, grand banditisme, terrorisme d’extrême gauche et d’extrême droite créaient un sentiment extrême d’insécurité dans ce que l’on allait appeler alors « Les années de plomb ». Le cinéma de genre italien, sous la houlette de réalisateurs tels que Umberto Lenzi, Stelvio Massi, Lucio Fulci, Enzo.G.Castellari ou encore Mario Caiano ou Sergio Sollima, allait alors s’appliquer à rassurer le spectateur en lui montrant que la situation pouvait être résolue à coup de crosse. Souvent simplistes et caricaturaux, ces films (Bracelets de sang, Le clan des Calabrais, La Rançon de la Peur, Témoin à Abattre, Assaut sur la Ville, Revolver…) étaient en général taxés à tort ou à raison de « fascistes » comme le furent à la même époque, les Dirty Harry. Si certains des noms de réalisateurs cités ici ne sont pas étrangers aux amateurs de western spaghetti, les acteurs ne sont pas en reste : Tomas Milian, Fabio Testi, Franco Nero sont souvent de la partie, ainsi que Maurizio Merli (qui a fait un seul western : Mannaja), qui allait devenir la figure de proue du polar à l’italienne, le flic honnête, droit et violent.

Brigade Spéciale ne raconte rien, et il raconte tout. Centré sur le personnage du commissaire Tanzi, il est au début impossible de comprendre quoi que ce soit. Tanzi évolue dans cette société en dérive, et où qu’il aille, il tombe sur un hold up, un vol à la tire, un gangster qu’il arrête et qui est relâché de suite. Il joue du muscle, et il se fait rabrouer par son supérieur, joué par le vétéran hollywoodien Arthur Kennedy (Nevada Smith, l’homme de la plaine). Le but semble de dépeindre une société la plus pourrie possible pour justifier un pétage de plomb en règle par le commissaire. Mais celui-ci reste finalement assez cool, même quand il s’en faut d’un cheveu pour que sa nana passe dans un broyeur de voiture. A la fin, c’est même lui qui doit rappeler à son coéquipier les limites de leur droit de tuer (ce qui vaut à son coéquipier une balle dans le ventre de la part du bossu, mais passons…).
Pour le reste, tout y passe : braquage, prise d’otage, passage à tabac, poursuite sur les toits, poursuite en bagnole, viol, baston dans un bar, enlèvement, drogue, agressions, indic, petite frappe, fils à papa dévoyé, la presse qui fait chier, relation amoureuse tumultueuse, assassinat d’un dealer en plein interrogatoire musclé, du haut d’un pont, exactement comme dans To Live and Die in L.A. de Friedkin tourné dix ans plus tard. Tous ces éléments hétéroclites finissent tant bien que mal par créer une intrigue cohérente qui se tient plus ou moins et dont le dénouement va se cristalliser autour du personnage de Tomas Milian.
Car bien sûr il y a Tomas Milian, qui joue un criminel frappadingue bossu, peu avare en jeux de mots et en meurtres de sang froid. Tomas Milian fait Tomas Milian, c'est-à-dire sans retenue aucune, plié en deux par son infirmité, le cou orné d’une longue écharpe rouge et noire, le rictus aux lèvres et les armes à la main. Tomas Milian est relativement rare à l’écran, mais il vole la vedette à Merli, qui est finalement bien fadasse avec sa moustache bien brossée et sa veste sans faux pli. Cette opposition entre le physique tordu et cradoc de Milian et l’athlètisme BCBG de Merli était d’ailleurs voulu, et quand Milian se met à mitrailler la foule, même un chroniqueur de Première comprend que le clou du spectacle, c’est lui.
Mais si vous n’aimez pas Milian, il vous reste l’ambiance : la musique jazzy-Schifrinesque de Franco Micalizzi est efficace, omniprésente sans être soûlante, on retrouve avec plaisir les petites bagnoles des années 70, la coupe des vestes et les coiffures de l’époque, et toute une galerie de tronches, moins marquées que les figurants du western italien, mais qui avaient le mérite d’une authenticité indiscutable, qui fait plaisir à voir à notre époque de publics télévisés panelisés selon des critères physiques avantageux.
Brigade Spéciale sans être un film incontournable, surprend par sa construction chaotique qui génère une tension à couper au couteau, et son refus de raconter une vraie histoire à tiroirs où tout se tient. Un assemblage de bric et de broc, de faits divers et de scènes convenues parvient finalement à donner une certaine impression de réalité un peu dérangeante. En outre, Brigade Spéciale remplit très bien sa mission première : du divertissement avec de l’action et de la violence.
Et alors, qu’attendez vous ?

Le DVD NeoPublishing. D’aspect classieux, fin et élimé dans son fourreau top classe, ce DVD à prix raisonnable pourra s’emporter partout, dans votre sac à main ou dans la poche intérieure de votre blouson. Mais attention aux pickpockets ! Neo Publishing fait du bon boulot, avec un commentaire audio du scénariste du film (Dardano Sacchetti) très intéressant pour qui voudrait comprendre les bases de ce cinéma, car Sachetti ne se contente pas de parler se son boulot, il replace le film dans le contexte social et politique de l’époque et dans le contexte cinématographique italien. Très instuctif.

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