dimanche 3 juin 2007

Une longue file de croix

Une longue file de croix en effet, ça défouraille sec avec William Berger dans le rôle du prédicateur.

Una lunga fila di croci
1969
Sergio Garrone
Avec Anthony Steffen et William Berger

Deux chasseurs de prime s’allient pour faire cesser un commerce inéquitable de paysans mexicains. C’est en tout cas ce qui semble transparaître de leur comportement, parce que comme à l’accoutumée, ils causent peu et leurs regards charrient des tombereaux de cadavres…

Anthony Steffen est le mal-aimé dans le petit monde des aficionados de western spaghetti. Lui sont fréquemment reprochés un air inexpressif et une bouille banale. Pourtant, depuis qu’il m’a ému dans
Gringo Joue Sur le Rouge , j’aime énormément Anthony Steffen. Il a une carrure décalée, presque fluette, comparée à celle du gladiateur Richard Harrison, il a un vide entre les deux dents de devant qui font écho au néant absolu de son regard inquisiteur. Anthony Steffen, c’est le Keanu Reeves du western spaghetti : jeu inexistant, charisme de limace. Il a la démarche hésitante du type qui vient de porter un piano et qui n’est pas taillé pour ça, il a des rides autour des yeux comme s’il n’avait pas dormi depuis quinze jours, il est habillé d’une pauvre veste difforme et usée, bref, il ne semble pas totalement en symbiose avec l’univers de tueurs froids et forts de l’Ouest espagnol ! Quand il creuse sa propre tombe, il me fait pitié, quand il se fait tabasser, j’ai mal pour lui ! Anthony Steffen, il me plaît.
William Berger lui, n’a pas aussi mauvaise réputation. William Berger, il est plutôt du genre « comment il s’appelle lui déjà ? » ! A sa décharge, il porte rarement le même poncho de film en film. Prédicateur avec le fusil de Jim Bowie dans Une longue file de croix, on le retrouve en joueur de Banjo dans Sabata, agent de la Pinkerton dans Le Dernier Face à Face et père méconnaissable dans Keoma. Le bouquin de Giré m’annonce qu’il joue dans Adios California et je ne me souviens plus dans quel rôle. Certains diront que c’est la marque des grands acteurs que de se faire oublier, d’autres pourraient rétorquer que c’est plutôt le signe des acteurs de second plan.
Dans Une Longue file de croix on retrouve un vrai acteur de second plan bien connu des fans de Sergio Leone : Mario Brega, celui qui fait du bruit quand il tombe, selon el señor Tuco. Ici il a un poil maigri, et surtout, ça doit le changer, c’est lui qui se fait tabasser ! Car bien sûr, il y a du passage à tabac dans Une Longue File de Croix, il y a des duels, et surtout il y a William Berger qui fait du dégât avec son fusil à sept canons, et ce après s’être offert un verre de lait frais et la servante de la taverna dans la foulée. Qui tue qui et pourquoi ? Qui trahit qui et pourquoi ? Qui pourchasse qui et comment ? Ces questions qui taraudent le spectateur pendant toute la durée du métrage trouvent leurs réponses à condition d’être particulièrement concentré entre les scènes d’action. Le scénario est viable et Sergio Garrone n’est pas Demofilo Fidani, mais parfois on dirait qu’il s’en faut de peu. Une longue file de Croix ressemble souvent à un catalogue d’images « à faire » mises bout à bout sans vraiment chercher à créer une connivence émotionnelle avec le spectateur, ni aucune relation affective avec les personnages. Mais dans le genre « catalogue d’images » fait avec peu de moyens, il faut reconnaître que Sergio Garrone a du talent. La chute suggérée d’un chariot rempli de paysans dans un canyon, sans que l’on voit ni le chariot tomber, ni le canyon est estomaquante. La façon qu’il a de faire passer une authentique bâtisse moyenâgeuse pour un élément architectural ouest américain crédible est fort étonnante. Enfin l’enfilade de zooms, de contre-plongée, de gros plans est parfaitement maîtrisée, comme ce plan à travers le pontet d’une winchester. Même si le fond est un peu absent, la forme est là, et c’est déjà beaucoup. Comme souvent, l’attention portée aux détails fait vraiment plaisir (le froid visible dans la bouche de Anthony Steffen, Brega qui répare une rampe d’escalier détruite dans la bagarre précédente, Berger qui vérifie ses trois révolvers avant l’assaut…). Tout ça c'est pas grand chose, mais c'est déja suffisant pour ne pas regretter d'avoir perdu 1h30 de sa vie.
C’est donc un refrain que l’on entend beaucoup à propos des westerns spaghetti : ce n’est pas le film du siècle, mais ça permet de se divertir sans déplaisir. Ce n’est pas du homard, mais parfois on peut préférer le surimi au homard. C’est pas une 407 toutes options, mais ç’est une C2 qui se conduit bien. C’est un gâteau insignifiant, mais il est plein de petites pépites en chocolat dedans. Bon vous voyez le topo…

Où je la trouve ta C2 ?
C’est passé sur Action récemment, alors ça va bien être rediffusé sur une chaîne quelconque du satellite. Existe également en DVD sous le titre nullos La Corde au Cou. Editions ESI ou Les Editions du Film Merdique ou Pourraves DVD ou un truc du genre…En parlant de pourrave, le doublage est vraiment hideux!

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