dimanche 3 juin 2007

Major Dundee



Un Peckinpah maudit, mais pas mineur.

1964
Sam Peckinpah
Avec : Charlton Heston, Richard Harris, James Coburn

Après un raid particulièrement meurtrier des indiens Apaches menés par Chariba, le Major Dundee monte un bataillon hétéroclite de sudistes, de bandits de tout poils, de noirs, de types pas nets pour lancer une expédition punitive et récupérer des enfants blancs enlevés par les Indiens lors du raid. Dundee est déterminé à les poursuivre jusqu’en enfer s’il le faut (c'est-à-dire au Mexique). Mais dans le Mexique de Peckinpah, c’est bien connu, rien ne se passe jamais comme prévu.
Autant Coups de feu dans la Sierra pouvait passer, auprès d’un œil inattentif, pour un western assez classique, autant Major Dundee est, dès la séquence d’ouverture, indubitablement un film de Sam Peckinpah. Bien que l’on n’assiste pas au raid des Apaches, on voit le résultat de leur férocité cruelle, ce qui marque immédiatement l’œuvre d’une forte teinte crépusculaire et nihiliste. La préparation de l’expédition suit le même mouvement et le réalisateur prend un malin plaisir à montrer à quel point la petite armée ainsi constituée est bancale et explosive : les sudistes haïssent les nordistes et provoquent les noirs, l’éclaireur Sam Potts, joué par un James Coburn manchot et méconnaissable, ne croit pas en la cause du Major, et le Major lui-même, interprété par un Charlton Heston qui casse son image, est loin, très loin de faire l’unanimité.
Major Dundee est donc l’antithèse de tous les films de cavalerie de John Ford avec le Duke. L’armée en marche est dès le début désorganisée. Au fur et à mesure qu’avance la campagne, elle devient sale, en guenille et hésite à montrer ses couleurs. Pourtant, le propos de Peckinpah n’est pas anti-militariste. Le processus de transfert de commandement est d’ailleurs la clé qui permet à cette armée de rester, malgré tout, une armée, avec assez peu de désertions et un groupe qui reste soudé, même quand le Major devient une espèce de zombie hagard dans les rues de la ville Mexicaine. Le sens de l’honneur reste également très marqué chez ces hommes, Tyreen en tête, le chef sudiste (Richard Harris) qui a donné sa parole d’obéir aux ordres du Major jusqu’à la destruction des Indiens. Des hommes, des vrais !
Mais même pour les vrais hommes qui se rasent au Mach3, le Mexique est une terre déstabilisante : les indiens qui sont censés être pourchassés, donnent plutôt l’impression de jouer au chat et à la souris. Les français, toujours aussi cons avec leurs lances du XVIIIe siècle, donnent du fil à retordre aux valeureuses Tuniques bleues. Les pueblos mexicains sont éternellement faméliques et affamés. Heureusement, il y a un truc de bien au Mexique : c’est la fête. On danse, on boit, on se bat au couteau dans les scènes coupées, on se tape les Mexicaines, on oublie dans l’alcool, et on rencontre une femme européenne qui tombe instantanément amoureuse de vous, même si vous êtes presque un salaud, à condition de s’appeler Charlton Heston. Bref, à part cette histoire d’amour grotesque sans doute plus ou moins imposée, on est bien dans un Peckinpah, malsain et sordide. Aucun personnage positif, aucune lueur d’espoir, aucun signe d’humanité, et les enfants témoins de la bêtise des adultes.
Le Major Dundee représente l’ambition, la vanité et l’irresponsabilité humaine. C’est dans le portrait de cet homme, antipathique mais pas complètement mauvais, que le film est le plus intéressant. Incapable de se remettre en question, obstiné et entêté, le Major Dundee envoie ses hommes vers leur perte, et ce n’est qu’un soudain éclair de génie qui leur permettra de vaincre les Indiens, sans que le gâchis final puisse toutefois être évité. Tyreen, un peu plus lucide, mais aveuglé par sa haine du Major, et tenu par sa parole d’honneur, ne parvient pas à infléchir le cours des évènement. Son personnage provoque également le trouble, car il est impossible de s’y identifier, tout comme celui du Major. Sam Potts, joué par Coburn, dont vous ne verrez pas cette fois le grand sourire éclatant, est un personnage cynique qui se contente de faire son boulot et juste son boulot, en lâchant de tant à autres quelques piques incisives (« les enfants fabriquent déjà leurs propres flèches à l’heure qu’il est »). C’est peut-être le personnage le plus proche du spectateur, encore qu’il ne soit pas assez humain pour qu’on s’y attache.
Tourné en 1964 avant le grand boum du western spaghetti, Major Dundee est la preuve que le western américain avait entamé sa mutation bien avant d’être soi-disant mis à bas par les italiens. Noir, violent, et très porté sur les détails (les vêtements qui évoluent au cours de la campagne, les barbes, la crasse et la poussière du Mexique), Major Dundee a en outre été amputé d’une quarantaine de minutes perdues à jamais par les producteurs, éternels ennemis du réalisateur. La version présentée dans le DVD est donc loin d’être « non censurée » comme le prétend mensongèrement la jaquette du DVD. Elle correspond – au mieux – à la première version expurgée par le producteur Jerry Bresler lui-même, avant les coupes opérées par Columbia. Ces 40 ou 45 minutes peuvent faire fantasmer et laisser imaginer au spectateur un film encore plus noir et violent qu’il n’est déjà. Il semblerait, entre autres, que seul le clairon devait survivre dans le film voulu par Peckinpah, et que Dundee ne devait jamais anéantir l’Indien Chariba. Mais même tronqué et remonté, Major Dundee reste un Peckinpah majeur, plus proche de La Horde Sauvage ou Pat Garret and Billy The Kid que de Convoi ou Osterman Week End. Un vrai petit film maudit, maîtrisé et annonciateur d'une filmographie future, un western évidemment indispensable, sauf si vous êtes tombés sur ce blog par hasard, à la recherche d'une recette de quiche aux courgettes.

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